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Page:Le Parnasse contemporain, I.djvu/13

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De l’exil, dont leur père a dû subir l’outrage,
Et leur hymne farouche éclate avec l’orage.
Toute l’horreur des cieux perdus est dans leur voix ;
Les arbres, les rochers, les profondeurs des bois,
Les antres noirs ouverts sous la rude broussaille
S’émeuvent, et la mer, la mer aussi tressaille,
La mer tumultueuse, et sur son flot grondant,
Vieux, tenant un morceau brisé de son trident,
Poseidon apparaît, s’élevant sur la cime
Des ondes. Près de lui, fugitifs dans l’abîme,
Pontos, Céto, Nèreus, Phorcys, Thétis, couverts
D’écume, gémissant au milieu des flots verts,
Sur les pointes des rocs heurtent leurs fronts livides
En signe de détresse, et les Océanides
Frappant leur sein de neige et pleurant les tourments
Des grands dieux, vers le ciel tordent leurs bras charmants.
Leur douleur, en un chant d’une fierté sauvage
S’exhale avec des cris de haine, et du rivage
Écoutant cette plainte affreuse, à leurs sanglots
Aphroditè répond, fille auguste des flots !


O douleur ! son beau corps, fait d’une neige pure,
Rougit, et sous le vent jaloux subit l’injure
De l’orage ; son sein aigu, déjà meurtri
Par leur souffle glacé, frissonne à ce grand cri.
Le visage divin et fier de Cythérée,
Dont rien ne peut flétrir la majesté sacrée,
A toujours sa splendeur d’astre et de fruit vermeil ;
Mais dénoués, épars, ses cheveux de soleil
Tombent sur son épaule, et leur masse profonde
Comme d’un fleuve d’or en fusion l’inonde.
Leur vivante lumière embrase la forêt.
Mêlés et tourmentés par la bise, on dirait