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Page:Le Parnasse contemporain, I.djvu/140

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La brise avec douceur caressait son visage
Et les petits oiseaux chantaient sur son passage.
Comme ils sont beaux et courts, au terrestre séjour,
Les moments du jeune âge et du premier amour !
Voilà que tout à coup la tempête s’élève,
Tout se trouble et s’émeut, dans l’air et sur la grève ;
La mer rugit et monte, et de sa voix d’airain
L’ouragan parle en maître et barre le chemin ;
Elle hésite un instant, la belle jeune femme,
Et le doigt sur la bouche interroge son âme,
Et puis baissant la tête elle presse le pas,
Et pour mieux résister se croise les deux bras ;
Comme le frêle esquif fend la vague marine,
Elle fendait le vent de sa tendre poitrine ;
A travers la tempête et le ciel en courroux,
La brave jeune femme allait au rendez-vous ;
Son châle et ses cheveux rejetés en arrière,
Intrépide elle avance en son âpre carrière,
Mais elle sent, hélas ! malgré tous ses efforts,
Ses vêtements mouillés se coller sur son corps ;
Et l’éclair éblouit et brûle sa paupière,
Et le tonnerre éclate, et la nature entière,
Autour d’elle évoquant les ombres du trépas,
Semble se conjurer pour arrêter ses pas ;
Cependant peu à peu s’apaisa la tempête,
Les collines au loin découvrirent leur tête,
Dans son manteau de pourpre, à l’horizon vermeil,
Le front humide encor, reparut le soleil ;
Et les oiseaux voyant sa féconde lumière,
Reprirent leurs chansons, mais elle… était de pierre !


ANTONI DESCHAMPS.