Page:Le Parnasse contemporain, I.djvu/263

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


» J’ai vu de longs adieux sur mes mains se briser !
» Mortelle, j’accueillais sans désir et sans haine
» Les aveux suppliants de ces âmes en peine :
» Le sépulcre à la mer ne rend pas son baiser.

» Oui, je suis insensible et faite de silence,
» Et je n’ai pas vécu ! mes jours sont froids et vains ;
» Les cieux m’ont refusé les battements divins :
» On a faussé pour moi les poids de la balance.

» Je sens que c’est mon sort, même dans les trépas :
» Et, soucieux encor des regrets ou des fêtes,
» Si les morts vont chercher leurs fleurs dans les tempêtes,
» Moi, je reposerai, ne les comprenant pas. » —

Je saluai les croix lumineuses et pâles !
L’étendue annonçait l’aurore, — et je me pris
A dire, pour calmer ses ténébreux esprits
Que le vent du remords battait de ses rafales,

Et pendant que la mer déserte se gonflait :
— « Au bal, vous n’aviez pas de ces mélancolies,
» Et les sons de cristal de vos phrases polies
» Charmaient le serpent d’or de votre bracelet.

» Rieuse et respirant une touffe de roses
» Sous vos grands cheveux noirs mêlés de diamants,
» Les valses vous jetaient près de moi par moments ;
» Votre blond cavalier vous disait mille choses ;

» J’étais heureux de voir, sous le plaisir vermeil,
» Se ranimer votre âme à l’oubli toute prête,
» Et s’éclairer enfin votre douleur distraite,
» Comme un glacier frappé d’un rayon de soleil ! »