Fatigué des méchants et des sots : — soucieux
Des lâchetés d’un monde immoral et factice,
Je fuis vers l’horizon d’où viendra la Justice,
Et je hais les vivants quand je songe aux aïeux.
Une femme, aux baisers chastes et sérieux,
A trempé ma fierté dans son amour complice ;
Et je lui dis : — « Quand tu craindras que je faiblisse,
» Mets la main sur mon cœur et regarde mes yeux.
» Va : devant les vainqueurs et ceux qui leur font fête,
» Je n’humilîrai point l’orgueil de la Défaite ;
» J’aime en toi la splendeur de ce que nous aimons.
» Du moins, dans les mauvais hasards des aventures,
» J’ai su placer nos Dieux plus haut que les injures
» Et mon cœur est un temple isolé sur les monts ! »
APRÈS LA MORT DE LAURE
TRADUCTION DE PÉTRARQUE
La vie avance et fuit sans ralentir le pas ;
Et la mort vient derrière à si grandes journées,
Que les heures de paix qui me furent données
Me paraissent un rêve et comme n’étant pas.
Je m’en vais mesurant d’un sévère compas
Mon sinistre avenir, et vois mes destinées
De tant de maux divers sans cesse environnées,
Que je veux me donner de moi-même au trépas.