Page:Le Parnasse contemporain, I.djvu/77

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De l’existence immense, au plus noir de l’abîme,
Je vois distinctement des mondes singuliers,
Et de ma clairvoyance extatique victime,
Je traîne des serpents qui mordent mes souliers.
Et c’est depuis ce temps que, pareil aux prophètes,
J’aime si tendrement le désert et la mer ;
Que je ris dans les deuils et pleure dans les fêtes,
Et trouve un goût suave au vin le plus amer ;
Que je prends très-souvent les faits pour des mensonges,
Et que, les yeux au ciel, je tombe dans des trous ;
Mais la Voix me console et dit : « Garde tes songes,
Les sages n’en ont pas d’aussi beaux que les fous ! »




LE REBELLE


Un ange furieux fond du ciel comme un aigle,
Du mécréant saisit à plein poing les cheveux,
Et dit, le secouant : « Tu connaîtras la règle !
(Car je suis ton bon Ange, entends-tu ?) Je le veux !

Sache qu’il faut aimer, sans faire la grimace,
Le pauvre, le méchant, le tortu, l’hébété,
Pour que tu puisse faire, à Jésus, quand il passe,
Un tapis triomphal avec ta charité.

Tel est l’Amour ! Avant que ton cœur ne se blase,
A la gloire de Dieu rallume ton extase ;
C’est la Volupté vraie aux durables appas ! »