Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/106

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Les enfants sont petits & pâles, mais robustes,
En dépit des maigreurs saillantes de leurs bustes
Qui disent les hivers passés sans feu souvent
Et les étés subis dans un air étouffant.

Non loin d’un vieux fusil rouillé qu’un clou supporte
Et que la lampe fait luire d’étrange sorte,
Quelqu’un qui chercherait longtemps dans ce retrait
Avec l’œil d’un agent de police verrait,

Empilés dans le fond de la boiteuse armoire
Quelques livres poudreux de science & d’histoire,
Et sous le matelas, cachés avec grand soin,
Des romans capiteux cornés à chaque coin.

Ils mangent cependant. L’homme, morne & farouche,
Porte la nourriture écœurante à sa bouche
D’un air qui n’est rien moins nonobstant que soumis,
Et son eustache semble à d’autres soins promis.

La femme pense à quelque ancienne compagne,
Laquelle a tout, voiture & maison de campagne,
Tandis que les enfants, leurs poings dans leurs yeux clos,
Ronflant sur leur assiette, imitent des sanglots.