Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/188

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II


Tout corps traîne son ombre & tout esprit son doute.
Victor Hugo.


À vingt ans, quand on a devant soi l’avenir,
Parfois le front pâlit, on va, mais on est triste ;
Un sourd pressentiment qu’on ne peut définir
Accable, un trouble vague à tout effort résiste.

Les yeux, brillants hier, demain vont se ternir ;
Les sourires perdront leurs clartés. On existe
Encor, mais on languit ; on dit qu’il faut bénir,
On le veut, mais le doute au fond du cœur subsiste.

On se plaint, & partout on se heurte. Navré,
On a la lèvre en feu, le regard enfiévré.
Tout blesse, &, pour souffrir, on se fait plus sensible.

Chimère ou souvenir, temps futur, temps passé,
C’est comme un idéal qu’on n’a pas embrassé,
Et c’est la grande soif : celle de l’Impossible !


III


Toujours aimer, toujours souffrir, toujours mourir.
Corneille.


À l’honneur du combat qu’importe la victoire ?
Celui qui pour mourir se couche en son drapeau,
Suaire que son sang a fait tout rouge, est beau :
C’est la fatalité, mais c’est aussi la gloire !