Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/215

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Combien, noires de coups, ayant froid, affamées,
Et, non moins qu’en leur corps, en leur âme opprimées,
Contre leur droit, au nom d’un droit faux des parents,
Étouffèrent dans l’ombre épaisse ! — Ah ! soyons justes !
Nous leur devions de l’air, du jour, à ces arbustes,
Si nous les voulions beaux & grands !

Triste écume du peuple où plus d’une âme vibre,
Troupeau surtout esclave & puni comme libre,
Êtres profondément monstrueux & flétris,
Femmes qui n’avez plus d’avenir dans la vie,
Allez, rebut ! Cayenne, en riant, vous convie ;
Ses forçats seront vos maris.

Aspirez sur le pont l’air qui souffle du large.
Il vous apporte, ô vous que la honte surcharge,
Les soupirs enflammés des bandits de là-bas.
Car l’on vous marîra ; vos sinistres pensées
De leurs mornes secrets seront les fiancées ;
Les crimes prendront leurs ébats.

Les hommes aux regards fauves, aux couteaux rouges,
Attendriront leurs yeux pour vous, filles des bouges ;
Et vous tendrez le sein à des enfants joyeux,
Vous dont l’oreille encor frémit, songeant au râle
De l’autre, que vos doigts rendirent froid & pâle,
Au moment qu’il ouvrait les yeux.