Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/227

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XVI


Volupté des parfums ! — Oui, toute odeur est fée.
Si j’épluche, le soir, une orange échauffée,
Je rêve de théâtre & de profonds décors ;
Si je brûle un fagot, je vois, sonnant leurs cors,
Dans la forêt d’hiver les chasseurs faire halte ;
Si je traverse enfin ce brouillard que l’asphalte
Répand, infect & noir, autour de son chaudron,
Je me crois sur un quai parfumé de goudron,
Regardant s’avancer, blanche, une goëlette
Parmi les diamants de la mer violette.


XVII


Noces du samedi ! noces où l’on s’amuse,
Je vous rencontre au bois où ma flâneuse muse
Entend venir de loin les cris facétieux
Des femmes en bonnet & des gars en messieurs,
Qui leur donnent le bras en fumant leur cigare,
Tandis qu’en un bosquet le marié s’égare,
Souvent imberbe & jeune, ou parfois mûr & veuf,
Et tout fier de sentir, sur sa manche en drap neuf,
Chef-d’œuvre d’un tailleur-concierge de Montrouge,
Sa femme, en robe blanche, étaler sa main rouge.