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JEAN AICARD.


Celui qui l’ignore le nomme
Roc ou Phénix, & n’y croit pas ;
Satisfait, il condamne l’homme
Aux seuls horizons d’ici-bas.

D’autres le connaissent, dont l’âme
Vainement veut le suivre aux cieux ;
Son bec, comme une atroce lame,
Perce leur cœur, crève leurs yeux.

Il les déchire, il les lacère,
Et, cruel & cependant beau,
Les tenant couchés sous sa serre,
S’en repaît lambeau par lambeau.

Ils sont vaincus. Il les écrase
Entre ses griffes & le sol ;
Ils n’ont pas la suprême extase
De lui voir déployer son vol.

D’autres, rares, ont cette joie
De voir pour son royal essor
Sa grande aile qui se déploie
Sans qu’il les ait blessés encor !

Victoire ! L’oiseau les enlève
Selon leurs grés, &, sans effort,
Il les emporte dans le rêve,
Dans l’espérance, vers la mort.