Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/261

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La Terre, en qui je bois ma force,
Me mêle à ses gaîtés ainsi qu’à ses douleurs,
Comme l’arbuste à frêle écorce
Trempé de sa rosée & teint de ses couleurs.

O misère ! La froide brume
Appesantit mon rêve avec le front des bois.
O splendeur ! L’aube qui s’allume
Dans tous les plis du cœur m’illumine à la fois.

Hors de moi s’enfuit quelque chose
Sur le cours d’eau, sur l’aile agile des ramiers,
Je sens rire en moi, blanche & rose,
La floraison d’avril tremblant sur les pommiers.

Avec les grands pins que tourmentent
Sur leurs pics de granit les ouragans hurleurs,
Soudain, mes pensers se lamentent,
Et se dressent, d’un jet, vers d’étranges hauteurs !

Et le mot, le seul mot d’espace
Sous mon crâne surpris ouvre de tels déserts,
Que l’hirondelle, bientôt lasse,
Regrette, à les franchir, l’immensité des mers.

En toi, par toi, Monde admirable,
Je vis, mêlant ma force à ton activité ;
Je suis ta course infatigable,
Sans peur, comme l’enfant par sa mère emporté.