Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/386

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Son cœur aussi portait l’armure sans défaut
Qui sied aux conquérants, &, simple capitaine,
Il caressait déjà dans son âme hautaine,
L’espoir vertigineux de faire, tôt ou tard,
Un manteau d’empereur des langes du bâtard.

Ainsi précipitant leur rapide descente
Par cette route étroite, encaissée & glissante,
Depuis longtemps suivant leur chef, &, sans broncher,
Faisant rouler sous eux le sable & le rocher,
Les hardis cavaliers couraient dans les ténèbres
Des défilés en pente & des gorges funèbres
Qu’éclairait par en haut un jour terne & douteux ;
Lorsque, subitement, s’effondrant devant eux,
La montagne s’ouvrit dans le ciel comme une arche
Gigantesque, &, surpris au milieu de leur marche,
Et comme s’ils sortaient d’une noire prison,
Dans leurs yeux aveuglés l’espace, l’horizon,
L’immensité du vide & la grandeur du gouffre
Se mêlèrent, abîme éblouissant. Le soufre,
L’eau bouillante, la lave & les feux souterrains,
Soulevant son échine & crevassant ses reins,
Avaient ouvert, après des siècles de bataille,
Au flanc du mont obscur cette splendide entaille.

Et, la terre manquant sous eux, les Conquérants
Sur la corniche étroite ayant serré leurs rangs,
Chevaux & cavaliers brusquement firent halte.