Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/276

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La rougeur en ruisseau jusques à lui serpente
Comme s’il eût laissé tout son sang sur la pente.

Fou de peur, il jaillit et tente les lieux hauts !
Ses vingt ongles de fer grincent sur les ressauts
De la glace, et ses dents mordent les neiges dures.
Les pointes d’un torrent gelé par les froidures
Lui déchirent les flancs et ne l’arrêtent pas.
Il s’amasse, ou s’allonge, il fait de petits pas
Ou de grands bonds, et quand, noir fardeau qui se hisse,
Il surmonte la cime au loin dominatrice,
L’écarlate rondeur règne en face de lui !

Alors il geint d’angoisse.

Alors il geint d’angoisse. Où donc n’a-t-il pas fui ?
Dans la neige. Des crocs, des griffes et du ventre
Il défonce le sol où sa forme obscure entre.
La dure blancheur casse, ou, sous la chaleur, fond.
Il creuse encor. Autour du trou déjà profond
S’élève en bords épais la neige qu’il déplace.
Mais la fouille dénude une paroi de glace !
Et la bête, devant l’inattendu miroir,
Se pétrifie en la stupeur de toujours voir,
Comme un disque de chair pourpre autour des vertèbres,
Le soleil de minuit saigner dans les ténèbres !


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