Page:Le Petit - Les Œuvres libertines, éd. Lachèvre, 1918.djvu/79

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ADVIS DU TRADUCTEUR AU LECTEUR

Je te donne advis que je n’ay point fait cecy pour te plaire, mais pour me faire plaisir. Rends donc grâce à la passion que j’ay pour la langue espagnole, qui l’en donne cette traduction, et non pas à ma bonne volonté. Je l’ay faite en me divertissant de l’occupation sérieuse d’une plus grande que j’ay commencée dès Madrid, continuée dans mes voyages d’Espagne, d’Italie, d’Allemagne et de Hollande, et que j’achèveray sans doute en peu de jours icy, estant maintenant pacifique et sédentaire plus que je n’ay esté depuis quatre ans. Si tu vois la première de bon œil, tu me donneras courage de te donner la seconde de bon cœur. Je ne te diray rien de l’une ny de l’autre, ce sont deux pièces assez recommandables d’elles-mesmes ; et puisque tu les as trouvées excellentes en castillan, tu ne les sçaurois trouver mauvaises en françois. Celle-cy est une gallanterie morale d’un des plus beaux esprits qui ait accompagné en France nostre Reine auguste et triomphante. Celle-là est le chef-d’œuvre de Dom Diego Saavedra Fajardo, qui s’est surpassé luy-mesme dans cet ouvrage, qui surpasse en morale et en politique tout ce que nous avons jamais veu en françois, en espagnol, en italien et en latin, depuis Corneille Tacite. Son autheur le nomme : « Idea de un principe christiano politico representada en cien empresas. » Pour luy faire changer d’idiome, je ne luy veux point faire changer de nom ; le baptesme est un sacrement tousjours bon et valable en quelque église qu’il soit administré, je l’appelleray donc : « L’Idée d’un prince chrestien et politique, représentée en cent emblesmes. » Juge de la bonté du livre par les traductions qui en ont esté faites en toutes sortes de langues, hormis en la nostre. Ce seroit luy faire tort de ne l’enrichir pas de ce trésor. Si tu me monstres ta curiosité, je te ferai paroistre ma diligence et tu n’auras point d’esprit si tu ne m’obliges, à te faire voir que j’en ay.




A MONSIEUR LE PETIT, SUR SA TRADUCTION.
MADRIGAL.

Cher Petit, que ton Escole
Trouvera d’approbateurs !
Je t’engage ma parole
Qu’elle ravira nos cœurs.
Elle est bastie à l’usage
De tout sexe, de tout aage ;
Chacun s’y voit et s’y plaist !
Il n’est rien qu’elle n’attire,
Mais je rêve d’en tant dire :
C’est l’Amour et l’Interest.

Richelet