Page:Le Petit - Les Œuvres libertines, éd. Lachèvre, 1918.djvu/226

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  1. C’est la Bastille[1], ce me semble ;
    C’est elle-mesme, par ma foy !
    Ventre-bieu ! voilà bien dequoy
    Faire que tout le monde tremble !
    Qu’a donc de si particulier
    Ce massonnage irresgulier ?
    Est-ce une tour ? en est-ce quatre ?
    Et qui seroit le ciel foireux[2],
    Qui n’eust la force de l’abbatre
    D’une petarade, ou de deux ?




  2. Mais, ma Muse, admirons l’adresse
    De ce Chasteau sans garnison ;
    Il tasche à servir de prison,
    S’il ne sert pas de forteresse[3].
    Sous ce règne et dedans ce jour,
    Pour se mettre bien à la Cour,
    Faut joüer bien son personnage ;
    N’en parlons donc plus d’aujourd’huy :
    S’il est sot, ceux qu’il tient en cage
    Sont encore plus sots que luy.




  3. Nous n’avons plus qu’un pas à faire,
    Pour voir les murs et le fossé[4] ;
    Paris, es-tu si mal chaussé
    Que m’a conté le bruit vulgaire ?
    J’ay tousjours crû que tes habits
    Estoient tout au moins de rubis,
    De diamans et de topases ;
    Je viens pour m’en desabuser,
    Mettre icy quatre belles phrases[5],
    Pour les bien immortaliser[6].


  1. Vieux château, près de la porte S. Antoine. Il sert de prison aux criminels d’État et de qualité. Pour les autres, c’est le Chatelet ou la Conciergerie. Le Roi entretient et paie dans la Bastille un Gouverneur, avec soixante hommes commandés par un capitaine ou un lieutenant (de Bl.).
  2. Var. de 1672 : Et qui seroit le cul foireux.
  3. Var. de 1672 : S’il ne sert que de forteresse.
  4. Ce vers est de 1672 ; 1668 donne : Pour faire les murs et le fossé. — En 1661, l’enceinte de Charles V était encore presque entière (A. B.).
  5. Var. de 1672 : Et j’ay quatre ou cinq belles phrases.
  6. Id. : Pour te bien immortaliser.