Page:Le Petit journal Supplément dimanche 2 janvier 1887.djvu/1

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JULES VERNE



GIL BRALTAR
FANTAISIE

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Ils étaient là de sept à huit cents, à tout le moins. De taille moyenne, mais robustes, agiles, souples, faits pour les bonds prodigieux, ils gambadaient sous les dernières clartés du soleil qui se couchait au delà des montagnes échelonnées vers l’ouest de la rade. Le disque rougeâtre disparut bientôt, et l’obscurité commença à se faire au milieu de ce bassin encadré des sierras lointaines de Sanorra, de Ronda et du pays désolé del Cuervo.

Soudain, toute la troupe s’immobilisa. Son chef venait d’apparaître sur ce dos d’âne maigre, qui forme la crête du mont. Du poste de soldats, perché à l’extrême sommité de l’énorme roc, on ne pouvait rien voir de ce qui se passait sous les arbres.

« Sriss !… Sriss ! » fit entendre le chef, dont les lèvres, ramassées en cul de poule, donnèrent à ce sifflement une intensité extraordinaire.

« Sriss !… Sriss ! » répéta cette troupe étrange avec un ensemble parfait.

Un être singulier, ce chef, de haute stature, vêtu d’une peau de singe, poil en dehors, la tête embroussaillée d’une chevelure inculte, la face hérissée d’une barbe courte, les pieds nus, durs en dessous comme un sabot de cheval.

Il leva le bras droit et le tendit vers la croupe inférieure de la montagne. Tous aussitôt de répéter ce geste avec une précision militaire, il est plus juste de dire