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Page:Le Peuple vosgien 1849-12-29.pdf/1

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1re Année. — No 3.
Samedi, 29 Décembre 1849.
LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ.
LE
PEUPLE VOSGIEN,
JOURNAL DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE.

On s’abonne hors d’Épinal : — à Rambervillers, chez le citoyen Méjeat, limonadier ; — à Bruyères, chez le citoyen Jacquot, huissier ; — à Mirecourt, chez le citoyen Rollin-l’École ; — à Dompaire, chez le citoyen L. Guyot, propriétaire ; — à Saint-Dié, chez le citoyen Dubois, brasseur ; — à Gérardmer, chez le citoyen Guery, notaire ; — à Remiremont, chez le citoyen Mougin, imprimeur ; — à Neufchâteau, chez le citoyen Chaffaut, limonadier. — (Dans un prochain numéro nous complèterons ces adresses)

Épinal, le 29 Décembre 1849.

Revue de l’Intérieur.

On se demande aujourd’hui, et avec raison, pourquoi le président de la République a chassé le ministère Barrot pour prendre le ministère d’Hautpoul. C’est, a-t-on dit, parce que Napoléon était entravé dans ses projets, dans sa marche politique. Soit ! Nous avons vu alors avec plaisir l’élu de la nation, comme on l’appelle avec assez d’emphase, se préparer à mettre en pratique les idées de sa circulaire électorale, et à montrer enfin ce que c’est que la politique napoléonienne.

Le message promettait beaucoup. On parlait même d’un coup d’état. La droite était peu rassurée, la gauche doutait, le peuple espérait encore, enfin le monde était dans l’attente. S’occupera-t-on de soulager la misère ? allégera-t-on les impôts ? comblera-t-on le goufre du déficit ? la République française cessera-t-elle d’être administrée, vexée, persécutée par les royalistes de tous les régimes ? Aurons-nous des institutions de crédit, la liberté et la gratuité de l’enseignement sans l’emploi des robes noires ?

Voilà ce que tout citoyen bien pensant se demandait tous les jours, et tous les jours il consultait son journal pour y chercher une bonne nouvelle. Hélas ! il pouvait dire comme au temps de la monarchie : rien, rien, rien ! en jetant un triste regard vers l’avenir ; mais au rebours, dans le sens de la contre-révolution, il voyait tout aller avec la rapidité d’une locomotive lancée à toute vapeur.

Il est assez curieux de suivre, et il ne sera pas inutile de te montrer, ô peuple ! les fils de cette espèce de comédie qui se joue à tes dépens.

D’abord le ministère vient se mettre à genoux devant cette majorité froissée si cruellement, et qui lui tiendra rigueur quelques jours, jusqu’à ce qu’on se soit donné le baiser de paix par quelques bonnes dispositions contre les républicains. La majorité qui, en effet, s’était vengée méchamment des velléités d’indépendance de Napoléon, 22 000 fr. pour indemnité de logement, frais de blanchissage, etc., à M. Boulay (de la Meurthe), et en renvoyant au conseil d’État, le projet de loi sur l’instruction publique, malgré l’opposition du gouvernement, se met bientôt d’accord avec lui pour reprendre le travail si bien commencé de la démolition des œuvres républicaines.

La garde nationale de Lyon sera dissoute indéfiniment. Il n’y aura plus de lois, plus de droit commun pour ce foyer de socialisme.

La Constituante, pour se mettre un peu d’accord avec la Constitution, avait appliqué le principe de la gratuité à l’école polytechnique ; l’assemblée législative prend en considération la proposition d’un des plus ardents réactionnaires, qui veut rendre inaccessible aux pauvres cette école trop fameuse. On parle même de la transporter hors de Paris.

Le chemin de fer d’Avignon sera la proie des gros financiers à qui l’État prêtera un gros argent sans intérêt.

Le ministre de la justice vient un jour annoncer, au nom de Napoléon, qui semble vouloir rattraper une popularité fugitive, l’amnistie de 700 détenus de Belle-Île, [illisible], par un audacieux mensonge, que les 500 qui restent sont des repris de justice ; mais le lendemain, pour rassurer peut-être une majorité impitoyable, il apporte un projet de loi de déportation qui n’est que la peine de mort hypocritement rétablie en matière politique.

Le lendemain encore, grande joie dans le camp de la réaction. Le grand restaurateur des finances monarchiques, le dernier ministre de la fiscalité oppressive, Fould, ce sublime inventeur de la banqueroute pour sauver la propriété, vient exposer enfin ses théories financières. Le trésor, dit-il, est en déficit de 534 millions, et l’État ne peut être sauvé que par le rétablissement de l’impôt sur les boissons. Et il descend de la tribune comme un conquérant, comme s’il eut ignoré qu’il venait de jeter sur la France un nouveau germe de révolution.

La réaction est satisfaite ; il y aura moyen de s’entendre. Ce ministre d’action n’agira que de concert avec la majorité.

Tout ce qui émanera de la gauche sera rudement repoussé, et messire Dupin se chargera d’admonester vertement ces brouillons barbus qui ont l’audace de se croire quelque chose dans la nation. À l’ordre ! à l’ordre ! ces trente ou quarante braillards de la Montagne qui osent faire un crime à M. Ségur d’Aguesseau de trouver seule digne de récompense la conduite des braves municipaux qui ont défendu au 24 février la cause de l’ordre. Combien de temps donc, messieurs de la droite, durera cette orgie de l’intolérance, cet énivrement de la victoire ?

Ils ont rejeté un projet de réforme des articles du code civil touchant la situation pénible que la loi fait aux ouvriers dans les coalisions. D’honorables citoyens n’ont pu obtenir que les conflits entre les ouvriers et les maîtres fussent jugés par des prud’hommes. Désormais la répression remplacera la conciliation. En revanche, un dictateur de par le sabre, M. de Grammont, a fait passer sa proposition de punir ces ignobles charretiers que nous voyons éreinter de coups leurs pauvres chevaux. Heureux chevaux ! Infortunés ouvriers !

Quelques jours après, la demande de 3 millions pour créditer les associations ouvrières a encore été repoussée.

Après s’être montrée si dure envers les travailleurs, ces dignes enfants de la France, pour lesquels, il y a un an à peine, on n’avait pas assez de flatteries, l’assemblée législative ne nous étonne plus quand nous la voyons entourer de difficultés énormes le droit de naturalisation. La France ne s’ouvrira plus qu’aux étrangers qui ont bien mérité de la police.

Mais qu’est-ce ? Que s’est-il donc passé dans la famille des Napoléon ? Voici Pierre, ce violent Pierre qui souffletta un vieillard en pleine assemblée, Pierre est brutalement révoqué de nous ne savons plus quel grade ou fonction par ce même cousin dont il défendait si bravement le nom. Écoutez comme d’Hautpoul, à la tribune, le traite de…… C’est à n’y pas croire ! Est-ce qu'il y a quelqu’un intéressé à déconsidérer les Napoléon les uns après les autres ? Serait-ce le parti qui, autrefois, se jeta avec tant de fureur sur les dépouilles de l’Ogre de Corse ?

C’est bien différent quand il s’agit de cet infortuné Louis-Philippe, qui gémit dans l’exil et dans la pauvreté. En partant de la France, il n’avait laissé que 55 millions de dettes, dont 25 au trésor et le reste à ses fournisseurs. Des malintentionnés, sans doute, avaient demandé la liquidation de cette affaire qui aurait fait rentrer quelques rentes dans les caisses vides de l’État. Mais l’assemblée a décidé qu’il n’y avait pas lieu à tracasser le pauvre exilé.

La grande bataille dont le résultat était prévu d’avance, c’est la discussion sur le rétablissement de l’impôt des boissons. Mais avant de nous y arrêter un instant, indiquons encore le refus de l’assemblée d’abolir la peine de mort en matière civile, par la raison qu’il ne saurait y avoir de société sans bourreau ; le sort des instituteurs et par conséquent des enfants des campagnes, remis entre les mains des petits pachas de départements ; et enfin l’élargissement du cercle des circonscriptions électorales qui, sous prétexte de liberté, doit servir aux royalistes à fausser le suffrage universel. Nous reviendrons sur ces deux dernières questions qui seront pour nous l’objet de travaux spéciaux.

La discussion sur l’impôt des boissons a fourni au pays l’occasion de lui montrer où sont ses vrais amis et les citoyens qui guident l’esprit de justice et le sentiment des besoins de réforme. Si jamais impôt fut odieux, vexatoire, immoral et dispendieux dans ses moyens de perception, injuste ou point de vue du propriétaire, inégal et monstrueux au point de vue de sa répartition, inconstitutionnel au point de vue du consommateur, jetant enfin la perturbation dans l’économie de la nation, c’est bien l’impôt sur les boissons. Toutes les iniquités dont les monarchies et l’empire l’ont chargé ont été développées et démontrées par des hommes de talent et de raison contre lesquels l’entêtement seul pouvait résister.

Savez-vous à combien d’arguments, à quels pauvres arguments se réduit l’opposition qu’ont faite le gouvernement et la majorité ? À deux, et les voici : Le vin est un poison qu’il faut ménager à l’homme ; sans l’impôt la banqueroute est imminente. Et là-dessus, déclamations contre les cabarets, contre l’ivrognerie, contre la crapule du peuple. Le vin a presque été chargé de toutes les iniquités sociales, et un orateur a fait l’éloge de l’eau. Eh ! messieurs, donnez au pauvre les moyens de prendre au sein de sa famille les jouissances que vous avez dans la vôtre, et il ne fréquentera plus les cabarets où vous allez le frapper dans ses joies de familles, puisque c’est au cabaret que se font les festins de mariage, de baptême, et que l’ouvrier prend sa nourriture ou qu’il envoie chercher le litre qui le soutient. Ne parlez point des crimes qui se commettent dans l’ivresse du vin. Avez-vous compté ceux qui se font par cupidité, par orgueil, par ambition, par désespoir, par amour, par jalousie, par vengeance ? Allez, allez, malgré votre victoire, le bon sens est toujours debout, c’est lui qui vous vaincra à son tour.

Quant à vos nécessités financières, remédiez-y en prenant l’argent où il se trouve. M. Passy a présenté un projet d’impôt sur le revenu qui n’a jamais rien payé, pourquoi le retirez-vous ? Votre armée n’a rien à faire depuis que le czar Nicolas se charger de mater la révolution ; que ne la réduisez-vous ? À quoi peuvent donc servir vos 500 mille baïonnettes ? Votre administration écrase le pays ; vous pourriez gouverner à meilleur marché et mieux certainement. N’avez-vous point encore songé à imposer les objets de luxe ? Ne pourriez-vous aussi entrer profondément dans la réforme financière par des voies de justice et de vérité ? Si la taxe de l’impôt était unique, frappant proportionnellement sur le seul capital ; ne serait-ce pas l’égalité ?

Mais c’est en vain que nous crions réforme ; vous vous rappelez avec horreur que c’est à ce cri formidable que c’est faite la révolution de Février, et vous repoussez toute réforme ! Aveugles, marchez-donc, l’abîme est au bout de l’étroit sentier que vous suivez.

Voilà, peuple, ce qu’ont fait pour toi ceux qui tu as chargés de ton sort. La loi a parlé, tu dois obéir, mais souviens-toi.

Voilà, les institutions salutaires que te préparent tes élus. Souviens-toi, et au jour de ton jugement et de la réforme légale, viens, armé pacifiquement de ton bulletin de vote, jeter dans l’urne électorale le mot de ta volonté suprême.

Voilà par quelle suite d’actes impopulaires s’est inaugurée la nouvelle politique personnelle.

Mais est-ce tout ?

Le pays, si mal représenté dans ces hautes régions, est encore plus mal administrés sur tous les points de la France.

Je ne sais qui a dit l’année dernière à la tribune na-