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inflexible, ils attribuent aux gouvernements établis la source du mal qui sort de la nature même de l’homme.

Les maux qui désolent la France depuis la propagation des écrits de J.-J. Rousseau dérivent pour la plupart de cette erreur fondamentale. Je me suis appliqué à la combattre, dès le début de mes travaux, en me fondant sur l’observation directe des mauvais instincts de l’enfance. J’ai résumé ces observations en constatant que les sociétés les plus parfaites restent incessamment soumises à une invasion intestine de petits barbares qui ramènent sans relâche tous les mauvais instincts de la nature humaine. J’ai ainsi expliqué comment la décadence devient imminente, dès que les sociétés négligent un moment d’opposer à ce fléau naturel la discipline de l’éducation[1].

Mes récentes lectures me permettent de don-

    premiers mouvements de la nature sont toujours droits. » (J.-J. Rousseau, Lettre à Christophe de Beaumont, archevêque de Paris.) Pour reconnaître la fausseté de cette doctrine, il n’est pas nécessaire d’apprendre à gouverner les hommes : il suffit d’élever avec sollicitude ses propres enfants. Dans toute famille nombreuse, les parents ont occasion de constater chez leurs enfants, que tous les germes de la perversité se développent en même temps que les premières inclinations de la nature. On s’explique aisément que les girondins, les terroristes et les autres disciples de Rousseau aient échoué en partant de telles doctrines. On comprend aussi qu’ils aient attribué leur insuccès à la méchanceté de leurs adversaires politiques, et qu’ainsi ils aient été amenés à commettre tant d’actes inouïs d’injustice et de cruauté.

  1. La Réforme sociale, 28, V, et 47, III. — La Constitution essentielle, ch. I et VI.