Page:Le Play, L’Organisation De La Famille, 1884.djvu/250

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Ce n’est certes pas avec de telles réponses que l’on peut dresser le budget de la famille, et cependant l’on s’y heurte à chaque pas. Le « tantôt plus, tantôt moins » de la fable soumet à une rude épreuve la patience et la sagacité de l’observateur. Comme les journées, les années se suivent et ne se ressemblent pas. Les consommations s’étendent ou se resserrent en proportion des charges et des ressources. C’est une fille à doter, la grange à réparer, une vache à remplacer : grosses dépenses, et qui troublent l’équilibre du budget normal. La famille se passera de vêtements neufs cet été ; elle ne mangera que du seigle. Aussi n’est-il pas possible de s’en tenir aux données d’une année unique, et doit-on procéder par moyenne s’étendant sur une période assez longue.

En outre, les personnes qu’on interroge ne tardent pas, si l’on n’y prend garde, à se fatiguer de questions qu’il leur est bien difficile de ne pas trouver oiseuses ou suspectes, et elles se dérobent à une curiosité importune par des réponses évasives, sinon discordantes.

Ces difficultés sont réelles ; je les signale, non en vue d’effrayer ceux qui veulent aborder l’observation des faits sociaux, mais au contraire afin de les prémunir contre le découragement dès leurs premiers pas dans cette voie. Toute science a ses broussailles, qui en obstruent l’ac-