le nombre des survivants n’excède guère dix lors de l’avènement et du mariage d’un nouvel héritier.
Pendant le quart de siècle qui s’écoule entre deux institutions d’héritier, la famille comble les vides produits dans son sein par la mort et l’émigration. Elle établit au dehors dans les services publics, ou dans les entreprises privées de la métropole et des colonies, cinq jeunes gens dressés par la discipline domestique au respect et au travail. Tout en pourvoyant à ses intérêts permanents et à ses besoins journaliers, elle distribue sous forme de dots, selon les prescriptions du testament ou de la coutume, une somme à peu près égale à la moitié de la valeur vénale du domaine. Soutenue par ses habitudes traditionnelles de frugalité[1] et voulant satisfaire le besoin d’indépendance qui anime ses rejetons, elle consacre à ces derniers toute son épargne annuelle, équivalant à peu près à 2 p. 100 de la valeur du domaine et de ses dépendances[2].
- ↑ Les qualités morales qui conservent la frugalité sont la vraie source des familles-souches qui, depuis huit siècles, sont les principaux appuis de la France. Les § 23 à 27 et le budget des dépenses (§ 31) indiquent assez l’existence sévère que s’impose une famille qui possède un domaine de 32,000 fr., et qui, tous les quatre ans, établit un de ses enfants avec une dot de 2,400 fr. À une époque où on développe si imprudemment les grandes villes, il est utile de comparer la frugalité et la richesse du paysan au luxe et à l’indigence de beaucoup d’ouvriers urbains. (Voir, par exemple, les Ouvriers des deux mondes, t. II, Tailleur d'habits de Paris.)
- ↑ L'organisation du travail, p. 285.