Page:Le Play, L’Organisation Du Travail, 1893.djvu/142

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À la vérité, la corruption et l’erreur ont pris de nos jours des proportions inconnues au temps de Henri iv. Le mal, qui n’avait alors envahi que les classes dirigeantes (§ 15), s’est étendu, comme à l’époque des Gallo-Romains (§ 13), à la société entière. Le doute et l’antagonisme, qui ne se manifestaient que dans la religion, troublent aujourd’hui tous les autres éléments de la vie sociale. La nouvelle réforme sera donc plus difficile que la précédente ; mais la reconnaissance de l’Europe, et l’ascendant moral accordé aux réformateurs, croîtront selon le même rapport que la difficulté de l’œuvre.

    perfection qui décelait la lecture assidue de nos bons auteurs, et qui indiquait tout d’abord que le français était vraiment pour eux la langue maternelle. Cet état de choses a pris fin sous l’influence des haines nationales fomentées par la révolution et le premier Empire ; l’éducation des classes dirigeantes actuelles a été liée exclusivement depuis lors à la langue du pays ; le français n’y a figuré que comme étude accessoire, et trop souvent cette connaissance n’est entretenue qu’avec le concours de la plus déplorable littérature contemporaine. Pour garantir leur foyer du danger de ces lectures, les chefs de famille commencent, même en Russie, en Suède, en Allemagne, à diriger exclusivement vers l’anglais les études de leurs enfants !

    La civilisation européenne ne saurait se passer du bienfait de l’unité de langue qui lui a été acquis deux fois, au moyen âge et au XVIIIe siècle. Plus que jamais les classes dirigeantes tendent à se créer un langage commun. Toutes les sympathies convergeraient de nouveau vers la langue française, si nos gouvernements employaient désormais leur influence à conserver la paix en Europe, si surtout nos écrivains, reprenant les traditions du XVIIe siècle, s’inspiraient plus habituellement de la raison et de la vertu.