pouillant les citoyens ; ils ont empiété sur les libertés civiles les plus nécessaires et détruit les meilleurs germes de la liberté politique. Privé, par ces empiétements, du droit de gouverner la famille et la paroisse, le citoyen a bientôt perdu les aptitudes que développe l’exercice de ce droit ; à plus forte raison est-il devenu incapable de gouverner la province et l’État. C’est à ce triste résultat qu’aboutit surtout l’œuvre des légistes : plus cette œuvre avance, moins les citoyens sont aptes à accomplir la réforme par leur libre initiative. Cette impuissance augmente, en même temps que la nécessité des réformes se fait sentir plus vivement : elle a pour effet de développer sans cesse l’esprit de révolution.
Le second abus a pour origine principale l’époque de corruption des derniers Valois (§ 15). Il est né de la préoccupation qui depuis lors a porté la plupart des souverains à étendre outre mesure leur autorité, et qui les a amenés, en fait, aux catastrophes de l’ère actuelle. Il a grandi avec la fatale politique qui a détruit les libertés provinciales et locales, qui a spolié par la violence ou la ruse les petites nations et annexé leurs territoires aux grands États, qui surtout a fait afficher par les rois la prétention irréalisable d’assurer, jusque dans les localités et même dans la vie privée, le bonheur de tous