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Page:Le Play, L’Organisation Du Travail, 1893.djvu/537

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fants, c’est la loi qui teste pour lui et se charge de répartir sa fortune en parties égales, sauf une quotité restreinte dont on lui laisse la disposition comme par grâce. Cette loi, inspirée par un amour aveugle de l’égalité, est un attentat permanent contre la liberté individuelle et l’autorité paternelle. Elle ne permet pas au chef de famille de déshériter le fils qui l’a offensé ou déshonoré ; elle constitue au profit de chaque enfant un droit né et acquis sur la fortune de leur père vivant. Elle réduit le père à la condition d’usufruitier, sous la surveillance de sa propre famille ; elle l’oblige à dénaturer frauduleusement son bien, s’il veut en disposer selon sa volonté et conformément au droit naturel. C’est une loi jugée au point de vue moral.

« Parlerons-nous des effets qu’elle a produits en un demi-siècle sur la société française ? Elle a poussé jusqu’à l’absurde la division des propriétés ; elle a dévoré en licitations et en frais de justice une notable partie du capital acquis ; elle a défait peut-être un million de fortunes, au moment où elles commençaient à se faire. Le père fonde une industrie et meurt : tout est vendu et partagé ; la maison ne survit pas à son maître. Un fils a du courage et du talent : avec sa petite part du capital paternel, il fonde une autre maison, réussit, devient presque riche et meurt ; nouveau partage, nouvelle destruction ; tout à recommencer sur nouveaux frais : un vrai travail de Danaïdes. L’agriculture en souffre, l’industrie en souffre, le commerce en souffre, le sens commun en rougit.