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éléments. Mes parents habitaient, loin de toute ressource intellectuelle, dans une chaumière isolée, entre une forêt immense et un rivage semi-maritime bloqué par les péniches anglaises. Placé constamment, pendant le reste de ma jeunesse, en présence de la nature, je ne cessai pas d’avoir l’esprit troublé par le contraste qui existait entre la fausse théorie et les faits que j’avais sous les yeux. Telle fut la cause de la satisfaction que m’inspira la doctrine de Lavoisier, et de l’ardeur avec laquelle je me vouai tout d’abord à la chimie et à la métallurgie.

Cependant, dès mon entrée dans la vie active, je compris que mes concitoyens ignoraient presque tous une science plus indispensable : celle qui apprend aux individus et aux peuples à vivre entre eux dans l’état de paix et de stabilité. Partout, en effet, se manifestaient autour de moi l’esprit de discorde, l’amour du changement, le désir des révolutions. Les lettrés célèbres propageaient dans les chaires publiques le mépris de la tradition nationale ; les politiques influents conseillaient à la tribune la révolte contre le gouvernement établi. Les journaux voués à la nouveauté ou à la tradition passionnaient par leurs débats les questions ainsi soulevées et propageaient l’agitation jusque dans les foyers domestiques et les ateliers de travail. La conclusion de ces désordres sociaux ne se fit pas attendre :