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visiblement conservée dans l’Appendice. À plusieurs reprises, l’Empereur m’exprima chaudement la satisfaction avec laquelle il avait rencontré la confirmation de ses propres idées dans un livre conçu et patronné par « la science », en dehors des préoccupations de la politique. Ce sentiment se développa encore de 1855 à 1858, par la lecture persistante de mon in-folio[1] ; il explique la confiance qui me fut accordée, pour l’étude des questions sociales, jusqu’à la chute de l’empire. L’Empereur, en effet, me fit appeler à plusieurs reprises aux séances du conseil privé[2] ; il

  1. Je n’ai constaté celle persistance développée à un tel degré que chez deux lecteurs : l’empereur Napoléon III et lord Ashburton, pair d’Angleterre.
  2. Deux de ces séances, auxquelles furent appelées d’autres personnes étrangères au conseil, furent tenues en 1838. Elles eurent pour objet la restauration de l’autorité paternelle par la liberté testamentaire, qui est la grande force morale des Anglais et de leurs essaims des deux mondes (V, 9 et 4). L’Empereur présidait la séance et se prononça vivement pour la réforme. Celle-ci fut soutenue seulement par MM. de Morny, de Persigny, de la Tour et par moi, Les présidents du conseil d’État et du sénat combattirent cette réforme en termes non moins vifs. Deux ministres gardèrent le silence par deux motifs différents : l’un, qui aurait eu la charge de défendre le projet de réforme devant le parlement, croyait la réforme indispensable ; mais il me déclara le lendemain que dans sa conviction elle y serait repoussée, vu l’état de l’opinion publique ; le second, feu M. Achille Fould, m’a souvent exprimé l’opinion que l’abolition du partage forcé des héritages ne suffirait pas pour assurer le salut de notre race ; mais qu’il fallait substituer à ce régime celui de la conservation forcée, institué sous le premier empire. Ainsi entravé par les erreurs du pays, l’Empereur renonça momentanément à son projet. Malheureusement, chaque fois que ce mécompte se reproduisit, il se crut obligé d’entretenir, par des entreprises hasardeuses le prestige de son gouvernement : en fait, la guerre