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LES FLEURS DU MAL
PAR M. CHARLES BAUDELAIRE[1].

Ce titre est significatif, et nous en remercions la loyauté du poëte : jamais mur bastionné ni grilles de fer n’ont interdit plus clairement aux voleurs l’entrée des propriétés, que le nom lugubre de ces vers en défend la lecture aux âmes pures et novices.

Quels sont donc les sujets que le poëte a traités ? L’ennui qui dévore les âmes promptement rassasiées des joies vulgaires, et éprises de l’idéal ; — les fureurs de l’amour que font naître non les transports des sens ou l’épanouissement d’un cœur jeune et crédule, mais les raffinements d’une curiosité maladive ; — l’expiation providentielle suspendue sur le vice frivole de l’individu, comme sur la corruption dogmatique des sociétés ; — la brutalité conquérante qui ignore les joies et la puissance du sacrifice ; — les âmes cupides qui fraudent et calomnient les àmes droites et contemplatives ; — enfin, l’orgueil qui se dresse contre Dieu, et qui même, foudroyé, respire avec délices l’encens des malheureux qu’il abuse, des sophistes qu’il enlace, des superbes qu’il enivre. Nous fermons ici cette énumération : les huit derniers morceaux consacrés au vin et à la mort n’ont plus rien de satanique. Et d’abord, c’est l’âme du vin qui chante dans la bouteille, promettant au travailleur la force, à sa compagne les fleurs de la santé, et les conviant tous deux à la prière qui jaillit spontanément d’un cœur ému. Viennent

  1. Poulet-Malassis et de Broise, libraires-éditeurs, rue de Buci, 4.