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LE SALON DE 1857.

plus agiles. Il y a là peut-être beaucoup de philosophie ; je l’aime peu chez les philosophes ; M. Leleux me permettra de ne pas l’aimer beaucoup chez les peintres. Ceci soit dit en rendant toute justice à la franchise et à l’énergie de son talent. M. Vidal est encore un Breton. Il nous montre un Braconnier breton, la Pluie en Bretagne et des Paysans de Plouescat rentrant au logis. Grand bien lui fasse ! nous reviendrons en Bretagne un autre jour, pour le moment j’ai soif d’élégance et je soupire après la civilisation.

M. Compte-Calix me sert à souhait. Il aime les souliers de satin, les robes et les visages roses, les paniers, comme on disait autrefois, ou la crinoline, comme on dit aujourd’hui, la soie, les jupes à dentelles, voire même le fard et les mouches ; c’est du pain blanc après du pain de munition ; j’y mords volontiers et à belles dents. Les Quatre Coins sont occupés par les quatre jeunes personnes les plus jolies et les plus galamment troussées qu’il soit possible de voir. Au milieu, une cinquième guette l’occasion et le coin propice. C’est charmant. Elles sont là en éveil, le sein palpitant, le visage coloré d’émotion, les bras en avant ; elles se regardent de côté et sourient, elles relèvent leurs jupes pour mieux courir et sourient. Dans un cinquième coin, un peu à l’écart, une autre jeune fille, couchée à terre, mais plus décente que la demoiselle de M. Courbet, feuillète un roman. Watteau n’eût point été plus pomponné et plus mignard. Pourquoi, à côté de cette gentille toile, M. Compte-Calix a-t-il placé cette autre sentimentale aventure, une jeune fille toujours en satin, et je ne m’en plains pas, qui rencontre sur sa route uu petit paysan dénicheur de nids, lève des yeux attendris vers un petit point noir qui voltige sur sa tête et s’écrie : Pauvre mère ! c’est un peu bien enfantin et par trop douceâtre ; j’aime mieux les quatre coins.

M. Glaize adore l’allégorie, c’est fort bien, mais pourtant trop est trop. L’allégorie, excellente en miniature et sur des médaillons, déplaît quand elle s étale sur une toile immense. C’est le cas de ses Amours à l’encan, et c’est, du reste, le seul grief que j’aie contre eux. L’idée en est jolie et l’exécution assez satisfaisante. Sur une place publique ouverte aux quatre vents du ciel et à tout venant, un jeune et agréable génie, vêtu d’une robe verte, à la figure ouverte et riante, qui ne sent nullement son huissier, met en vente une trentaine d amours. Ils sont tous rangés derrière lui sur une planchette ; rangés, n’est pas le mot propre, car il règne une assez grande confusion dans cette foule turbulente. Appuyés sur leurs arcs, ou se livrant à des pantomimes variées, ils se poussent les uns les autres et agacent de l’œil les acheteurs qui les entourent. Ce sont leurs maîtres futurs, cela né leur fait pas peur ; ils ont l’air au contraire de se moquer d’eux. Acheteurs, et acheteuses aurais-je dû dire, car il y a plus de femmes que d’hommes dans la foule qui se presse autour de l’huissier à robe verte. L’une d’elles, quelque courtisane de renom, quelque louve africaine aux cheveux noirs, épais et crépus, à la forte encolure, emporte d’un bras vigoureux quatre ou cinq gros Amours liés