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Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/146

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LE PRÉSENT.

gagner à la controverse catholique, il fallait se remettre aux champs et prouver son droit par des victoires. Ce genre de preuve est toujours celui qui a le mieux réussi en France. Henri IV s’y porta gaiement. Pendant quatre ans, de 1589 à 1593, il parcourut en soldat tout le nord de son royaume. Il n’avait point voulu entendre parler du Midi et de passer la Loire ; c’eût été comme une désertion de ses espérances. Il parcourut donc, pendant ces quatre années, la Normandie, l’Île-de-France, la Champagne ; il vainquit aux combats d’Arques, il vainquit à la bataille d’Ivry ; il assiégea Paris, il assiégea Rouen ; il força il la retraite Alexandre Farnèse, le gouverneur des Pays-Bas espagnols. Dans ces courses armées, il lui fallait autant de génie pour retenir sa noblesse sous le drapeau que pour la faire vaincre quand elle était réunie ; il n’y faillit point. À force d’entrain, de familiarité, il l’intéressait à sa fortune ; il semait les billets et les mots héroïques, il raillait sa détresse, il raillait les fatigues, il raillait la mort ; il relevait l’enthousiasme par une verte plaisanterie ; il lançait au devant de lui, comme une garde avancée, son esprit, sa verve, sa vivacité gasconne ; il éparpillait sur ses ailes, comme de légers et invisibles tirailleurs, ses bons mots armés en guerre et son imperturbable gaieté. En paroles et en action, au camp et au champ, il était vraiment le roi des braves.

Pendant que Henri environnait ainsi d’un prestige de gloire la solidité de ses droits, et mettait pour ainsi dire le panache à sa couronne, Paris était le théâtre de mille actives intrigues. Toutes les passions, toutes les ambitions y fermentaient à l’aise. On put croire un moment que tout était perdu. Les Seize, après la levée du blocus en étaient venus aux dernières extrémités de l’audace désespérée. Ils ne méditaient rien moins qu’une Saint-Barthélemy nouvelle contre tout ce qui avait conservéun cœur français. Sur leur liste rouge, les noms de tous les bons citoyens étaient suivis d’une de ces trois lettres, P. C. D., pendu, chassé, dagué. Le coup fait, ils déféraient la couronne à Philippe II. Ils commencèrent l’exécution de leurs projets. Le président Brisson, les conseillers Larcher et Tardif furent pendus. Mayenne effrayé, rentra dans Paris et les chassa. Ce n’était pas tout. Les partis n’en restaient pas moins en présence. Mais dès lors un grand nombre de membres du Parlement et de la haute bourgeoisie voyaient avec effroi le pays marcher à sa ruine ou à l’asservissement au joug étranger. À côté du tiers-parti formé par le jeune cardinal de Bourbon pour essayer, entre Henri IV, Mayenne et Philippe, de se glisser à la couronne, le parti courageux et sensé des Politiques faisait des progrès. Les uns eussent volontiers accepté pour roi Henri IV, même sans abjuration, à condition qu’il respectât le catholicisme ; les autres continuaient à faire de l’abjuration une condition sine quà non de la reconnaissance du Béarnais ; mais tous se réunissaient dans l’idée qu’il fallait arracher Paris à ses troubles et il sa misère ; le royaume à l’épuisement de la guerre, aux entreprises du duc de Savoie, aux convoitises des grands seigneurs ; le trône de France à l’ambition de Mayenne