M. Baudry a du talent et du bonheur. Du talent,il l’a prouvé surabondamment ; il n’aurait exposé que sa Léda, qu’on ne pourrait lui contester une grande valeur. La Léda est certainement un des sujets les plus difficiles qui puissent ètre proposés à l’habileté d’un peintre. Il faut le rajeunir, il faut éviter ce qu’il y a de scabreux, il faut être gracieux sans être mignard, voluptueux avec décence, ingénieux avec délicatesse et réserve. M. Baudry a été tout cela. Sa Léda est debout, et à ses pieds est l’oiseau divin, son amant. La transparence des chairs, la pureté des lignes, la suavité des contours, l’élégance des formes sont exquises dans la femme et le cygne. Par un prodige d’habileté et une science inouïe de pinceau, la volupté est tout entière dans le bel oiseau qui frémit aux pieds de Léda ; ses plumes s’enflent amoureusement ; son col souple s’allonge vers celle qu’il aime, et son œil noir brille de tous les feux d’une passion non satisfaite. Léda au contraire n’est que douceur, calme et innocence. M. Baudry n’a pas suivi le type consacré d’ordinaire par la mythologie. Il en a plutôt fait une sœur aînée de Psyché ; ses longs cheveux blonds couvrent ses épaules, et la tranquillité de son regard témoigne qu’à se soumettre à l’amour d’un dieu on est exempt du trouble qui accompagne les passions ordinaires et terrestres. M. Baudry a placé sa Léda et son Jupiter emplumé dans une forêt, et je n’y vois pas d’inconvénient ; mais j’aurais voulu dans ces arbres une source, une fontaine, les bords d’un lac ou d une rivière. C’est la tradition, et la tradition a raison, puisque le cygne, comme chacun sait, aime le bain et la fraicheur des eaux. Ceci, du reste, n’est qu’une vétille et n’enlève rien à la valeur du tableau. À côté de la Léda, et au-dessus peut-être, comme charme d’exécution, je placerais La Fortune et le jeune
