Je viens vous demander des regrets pour les plus belles espérances poétiques prématurément ensevelies, et une sympathie rétrospective pour un jeune visage immortel. Il s’agit d’Hégésippe Moreau, dont j’ai cité quelques vers dans la dernière livraison, au sujet de M. de Béranger.
Hégésippe Moreau naquit à Paris, le 9 avril 1810 ; cependant les premières années de sa jeunesse, qui fut toute sa vie, se partagèrent entre Avon et Provins. Vous connaissez tous Provins, célèbre par ses belles roses venues de Palestine. Avon, petit village aux confins de la forêt de Fontainebleau, garde le souvenir de la mort du marquis de Monaldeschi, assassiné par la reine Christine de Suède. Le sinistre événement est inscrit sur les parois extérieures d’une chapelle expiatoire. Toutefois, cette pénible impression historique est bien vite effacée de votre esprit par la variété des sites environnants. Des pins aux aiguilles vertes, des chênes séculaires, des bouleaux sonores, des frênes, du sable blanc bordé de verdure, des rochers aux formes bizarres, des vallons, des sentiers tortueux et fleuris à côté de clairières illuminées par le soleil ; puis des gorges profondes au-dessus desquelles des branches noueuses et touffues font un jour frais et opaque, et pour égayer ce magnifique ensemble de tous les aspects de la nature dans une circonférence de vingt-deux lieues, des lièvres, des faisans, des cerfs, qui partent comme des flèches au nez des peintres armés d’une palette. Voilà les premières sources où l’auteur du Myosotis a puisé ce vif amour de la nature empreint dans toutes ses œuvres. Car si Dieu crée à sa guise notre âme immortelle, les premières images, les premiers soins qui nous entourent, ont une grande influence sur nos destinées ol les tournures de notre esprit. Aussi cette vocation dont on fait tant de bruit à
