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LE PRÉSENT.

qu’une vieillerie, et la révolution de février ne trouva pas une armée toute prête, quand elle vint essayer de bouleverser le monde. Ils valaient mieux peut-être ceux qui, conscrits inexpérimentés d’une armée secrète, allaient jurer haine aux tyrans dans les ventes, sur les poignards croisés, à la lueur des flambeaux ! Occupation bien triste, cependant, bien ridicule, devrait-on dire, si elle n’eût été si dangereuse, et si chaque matin, au point du jour, bourreau ou geôlier ne les avaient attendus à la porte, ces écervelés courageux dont les têtes blondes allaient rouler une à une dans le panier sanglant de la guillotine ! L’auteur de l’article termine en faisant appel à notre cœur. Aimez la patrie, dit-il, aimez la poésie, les saintes choses, lisez Musset, n’ouvrez votre’âme qu’aux pensées hautes et aux généreux sentiments ! Paroles excellentes, heureux conseils, que j’entends dire et que je vois donner, depuis ma sixième ! Je crains fort, hélas ! que la génération du lendemain ressemble à la génération de la veille, et c’est peut-être une leçon donnée aux écrivains, philosophes et rêveurs, qui ne s’occupent que des sentiments sans se préoccuper des intérêts ! Mais qu’importe ? la poésie est immortelle ! les esprits délicats et les cœurs blessés y trouveronttoujours les joies sereines, quelles que soient les faiblesses et les folies d’un vulgaire profane !


Des théâtres, peu de nouvelles ! Ce qui fait le bonheur des uns fait le malheur des autres. Les directeurs des pompes funèbres se frottaient les mains à l’époque du choléra, le propriétaire des bains de Ligny se frotte les mains avec orgueil, tandis que MM. Fournier et Montigny suent toutes les larmes de leur corps ! Le Vaudeville est plus heureux. J’entendais M. Lafontaine dire l’autre jour, et il disait vrai, je le crois, que Dalila faisait de l’argent comme au premier jour, en dépit du soleil et de M. Parade ! C’est ce même Lafontaine qui doit jouer le principal rôle dans la poésie nouvelle de M. Dumas fils. Notre jeune auteur travaille comme un nègre, qu’il est, et le Fils naturel sera bientôt achevé. Il aurait pu intituler sa nouvelle poésie la Question d’honneur, car il a un échec a venger. Qu’il le venge, nous en serons heureux ! nous nous vengeronsnous-mème, en applaudissant, de l’ennui que nous fit éprouver ce paillasse de Jean Giraud !

La Fille naturelle, tel est aussi le titre, dans un autre genre, du drame de M. Louis Bouilhet. Celui-ci n’a qu’à faire comme par le passé, et son avenir sera beau ! Je l’ai rencontré l’autre jour sous les moustaches de son ami M. Flaubert ; Il avait bien l’air d’un poëte, à côté de ce gentilhomme à figure de capitaine que j’estime à l’égal des hommes les plus célèbres de cette époque, esprit qui aime, et cœur qui saigne !


Aux boulevards, l’Assassinat du pont Rouge. L’auteur est connu ; je l’ai vu arrêter l’autre jour par M. Baudelaire. C’est M. Barbara, le même qui n’a jamais pardonné à Murger de l’avoir mis en scène sous le nom de Carolus Barbemuche, vous savez ! celui qui déroule devant Rodolphe un kilomètre