Aller au contenu

Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/227

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LE SALON DE 1857.
VII
MM. Ivon, Doré, Penquilly, Garipuy, Henneberg, Mazerolle, Gendron, Mottez, Matout, Lafond, Hockert, Herbsthoffer.

M. Ivon est, cette année, le vainqueur des vainqueurs. Le jury lui a décerné la grande médaille d’honneur, et le jury n’a fait que justice. Au milieu des petites toiles de genre, des anecdotes, des miévreries spirituelles et sans inspiration, il faut admirer un talent large, sain, vigoureux, à l’aise dans un cadre de vingt pieds et dans les difficultés les plus grandes de la peinture historique. Il est donc fort bien de lui donner le pas. Il avait été chargé de reproduire la Prise de la tour de Malakoff, et il n’est point resté au-dessous de son sujet. Plaçons-nous bien en face du tableau. Cet homme qui débouche en face de nous, la tête ensanglantée, les pistolets d’une main, l’épée de l’autre, lancé d’un élan irrésistible : sur les débris fumants des barrières et des poutres, c’est le colonel Collineau, du 1er zouaves. Son énergique figure respire tout le feu des batailles, et cet enfer semble son élément. Derrière lui, haletants, les yeux pleins de flammes, accourent ses hommes, serrant leurs fusils de leurs doigts crispés. À droite, un groupe de Russes s’enfuit. Leurs baïonnettes tordues, leurs sabres teints de sang, prouvent assez que ce n’est point une fuite de lâches ; c’est la retraite du courage devant un courage que rien ne peut arrèter, et qui s’avance aussi insurmontable que l’inondation d’un fleuve ou la colère d’un incendie. Cependant un vieux générat ne désespère point encore. Il saisit l’un d’eux par le collet, et veut le ramener au combat ; le soldat, d’un geste désespéré, lui montre l’avalanche et continue sa course. À gauche, un zouave, écrasé sous une énorme pièce de bois, se soulève d’une main, et de l’autre agite un drapeau à moitié brisé. La joie délirante du triomphe est sur son front, et un formidable éclat de rire, entr’ouvrant ses lèvres, distendant sa mâchoire, rugit à travers ses dents blanches comme celles d’un lion.