Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/275

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
267
L’ANNÉE DES COSAQUES.

Georges, les dents serrées, attendait son départ avec impatience. Resté seul avec Roczakoff et Pauloff, il s’approcha du lit.

— Où est-elle ?

Michel ouvrit les yeux et dit d’une voix si faible qu’on eût dit son dernier souffle :

— Partie !

— Partie !… seule ?

— Avec un jeune homme.

— Qui t’a frappé ?

— Eux.

Il retomba épuisé sur l’oreiller. Georges bondit comme un tigre sur des armes placées dans un coin de l’appartement.

— Oh ! l’infâme ! J’ai tué Ostrowki pour elle ; je la tuerai à son tour.

Il vit dans un coin les vêtements d’homme apportés par Marguerite ; il s’élança dessus et les foula aux pieds. Puis, soudain, changeant de folie sans cause apparente, il prit la petite cravate noire qu’elle portait, la baisa et la mit dans son sein. Il courut de nouveau vers Michel, et lui secouant le bras avec fureur :

— Le nom du jeune homme, le nom ?

— Je ne le sais pas, répondit Michel d’une voix faible.

— Venez, prince, venez, sortez d’ici, dit Pauloff ; vous n’y êtes pas bien.

Toute la journée, Pauloff força Georges à marcher, domptant la douleur de l’esprit par la fatigue du corps. Le soir, au lieu de rentrer chez lui, Georges alla voir Ostrowki. Il avait été ramené chez lui, il l’y trouva. Les appartements du comte étaient pleins d’amis qui venaient prendre de ses nouvelles ; il passa au milieu d’eux, sombre. Tout le monde savait déjà l’aventure ; nul ne l’aborda, on le plaignait. Georges marcha droit au lit de son ami. Ostrowki avait perdu presque tout son sang ; Georges, cependant, était encore plus pâle que lui.

— Ostrowki, mon ami, lui dit-il, j’avais tort et vous aviez raison. Je viens vous faire des excuses : cette fille était une…

Il n’acheva pas et tomba de sa hauteur sur le carreau. On le releva évanoui, on le fit revenir à lui. Il fit signe qu’il voulait parler encore ; on se tut. Il reprit :

— Cette fille était une