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Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/280

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LE PRÉSENT.

les duels ; j’ai peu de chances, je crois, d’échapper à la mort. Je ne la redoute pas, je l’ai vue souvent d’assez près, mais je regrette de ne pas emporter au moins votre bénédiction dans mon dernier voyage. Vous vous rappelez sans doute ce douloureux instant de notre séparation : « Va, m’avez-vous dit, mon enfant, sois fidèle à ton souverain, sois brave devant l’ennemi, fier devant la mort si elle se présente, patient dans la vie si tu la trouves amère par instants, et ne recule jamais devant un devoir. Aime-moi toujours, et pars, mon enfant. Dieu te conduise et te ramène ! » Voilà bien, ma chère mère, les dernières paroles que j’ai entendues de votre bouche ; je me les suis redites trop de fois à moi-même pour craindre d’en oublier une. Hélas ! que nepuis-je avec elles retrouver aussi bien sur mes lèvres la trace et la saveur de votre dernier baiser !

« Vous le voyez, j’ai entendu vos recommandations. Dieu n’a point entendu votre prière. Il m’a conduit jusqu’à Paris, il ne me ramènera pas. Je ne blasphémerai point pourtant. Je paraîtrai devant lui résigné et soumis. Il me fait la vie bien dure à achever, mais parfois il me l’a faite bien douce, et de cela je lui suis reconnaissant. Ma chère mère ! ma mère adorée, vous avez été toujours bonne pour moi. À cette heure où, si jeune encore, j’ai de jours tout ce qui m’en a été compté, quels remercîments, quel cri du cœur vous enverrai-je pour vous consoler de ne point me revoir ? Ah ! consolez-vous, consolez-vous, je vous en prie ; vous ne m’avez jamais rien refusé ; c’est là ma dernière demande, accordez-la moi comme toutes les autres. N’oubliez pas que vous aviez un fils qui vous aimait, mais que mon souvenir ne vous coûte point des pleurs intarissables ; mon âme en serait toute troublée au sein de Dieu. — Votre amour m’a toujours été doux, il ne s’est jamais lassé, jamais attiédi… Il ne m’a jamais trompé celui-là… Oh ! ma mère, c’est une douce larme qui vient de mouiller ce papier à votre image bien-aimée Ce sont d’autres qui se chargent d’ouvrir la source des larmes amères.

« Toutefois, je vous en prie, ma chère mère, ne maudissez point celle par qui je meurs. Quoi qu’elle ait fait, je l’aime, je l’aime éperdument. Laissez-moi vous le dire, ma mère ; vous êtes la seule à qui je puisse l’avouer encore sans rougir. Vous autres femmes, vous autres mères, vous êtes indulgentes à ces faiblesses, vous comprenez l’amour infini que rien n’épuise, que rien ne tempère, sur lequel ne peuvent rien l’ingratitude et l’oubli. C’est la fille que vous avait choisi mon cœur, aimezen la pensée ! Elle est bien belle, je vous jure, cette enfantde la France,