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LE PRÉSENT.

— Je le jure.

— Sur Saint-Serge et la Vierge ?

— Sur Saint-Serge et la Vierge.

Subianski reprit sa promenade de long en large, de peur qu’il ne fût aperçu causant avec le prisonnier, et tout en se dandinant, il ouvrit la bourse de Georges. Puis il la replaça en équilibre sur sa baïonnette et se rapprocha de la fenêtre.

— Il n’y a que de l’or, dit-il. Je cherchais un ou deux kopecks pour boire un verre d’eau-de-vie après la faction ; si vous en avez sur vous, envoyez-m’en un ou deux, mais votre or, je n’en veux pas.

— Prends, te dis-je. Avec ce qui est là dedans, tu auras autant d’eaude vie que tu voudras.

— Je le sais bien, mais je n’en veux point.

— Et moi, je te dis de garder tout.

— Non, mon officier.

— Je te l’ordonne, entends-tu, je suis ton supérieur, obéis-moi, je te l’ordonne.

— Si c’est ainsi, mon officier, oui mon officier.

Le soldat mit la bourse dans sa poche et reprit sa faction en sifflant. la marche des grenadiers de Volhynie.

Redescendu dans sa chambre, Georges adressa à l’empereur ce que le capitaine commandant l’Abbaye appelait son recours en grâce. Voici en quels termes il fut conçu :


Sire,


Votre très-gracieuse Majesté a toujours été pleine de bontés pour moi. Elle y met le comble en me retirant de la vie, au moment où la vie m’était devenue odieuse. Je l’en remercie du fond de mon cœur, peut-être m’épargne-t-elle par-là un grand crime. Sans doute j’eusse fait moi-même ce que vont faire les balles de vos grenadiers. Je prie Dieu, sire, qu’il continue à vous faire une existence digne d’envie, et qu’il vous conserve longtemps à la Russie dont vous êtes le bonheur et la gloire. Je serai, sire, en mourant, ce que j’ai toujours été pendant ma vie, de Votre Majesté, le très-fidèle et très-respectueux serviteur et sujet,


Prince G. Bariatinski.