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LE SALON DE 1857.

bien saisis et bien rendus ; M. Renault fait avec soin, et il a l’amour de son art : son art l’aimera et le récompensera.

Retournons en Orient en passant par la Russie. M. Aivasowsky aime les contrastes. Il a exposé un tableau rouge, un tableau jaune, un tableau vert et un tableau blanc. L’un est l’Hiver dans la grande Russie ; l’autre, les Champs de blé de la petite Russie ; le troisième, les Steppes de la nouvelle Russie au coucher du soleil ; et, qu’il se voue au rouge, au jaune, au vert ou au blanc, M. Aivasowsky a de la facilité, de la verve et saisit le regardant. C’est beaucoup ; il attire l’œil et le retient. Il ne faudrait pas abuser pourtant de cette peinture monochrome ; la satiété du public viendrait bientôt.

M. Théodore Frère, lui, n’a qu’une couleur, la couleur d’or. Tous ses tableaux égyptiens ont l’air d’ètre peints avec un pinceau arrivant en droite ligne de la Californie. Il veut avant tout passer pour riche. Il l’est en talent. Sa Vue du château des Sept-Tours, à Constantinople ; ses Ruines de Medinet-Abou, à Thèbes ; ses Pyramides de Gizeh, quoique peintes dans un style un peu trop uniforme, sont de bons et agréables tableaux.

M. Eugène Fromentin est encore un musulman, un ami de l’Orient, des chameaux et des coursiers arabes aux croupes fines, aux jarrets nerveux, à l’œil intelligent. Il aime avant tout le désert et les océans de sable, les soleils rougis comme une meule de feu, les burnous blancs et les tentes hospitalières. Bien qu’on abuse un peu de l’Orient, comme je m’en plaignais tout à l’heure, M. Fromentin a tant de poésie, de couleur et de vérité, que je ne saurais lui tenir rigueur ; ses Arabes chassant au faucon ; ses Marchands arabes en voyage ; sa Halte de marchands devant El-Agoua, donnent envie de faire comme lui, de partir pour le pays du soleil, et de ceindre le turban.


Léon Daléas.