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Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/297

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POÈMES NOCTURNES.

heures plus lentes contiennent plus de pensées, où les horloges sonnen le bonheur avec une plus profonde et plus significative solennité.

Sur des panneaux luisants, ou sur des cuirs dorés et d’une richesse sombre, vivent discrètement des peintures heureuses, pleines de calme, comme les àmes des artistes qui les créèrent. Les soleils couchants, qui réjouissent mélancoliquementla salle à mangerou le salon, sont tamisés par de belles étoffes et par ces hautes fenêtres ouvragées que le plomb divise en nombreux compartiments. Les meubles sont vastes, curieux, bizarres, armés de serrures et de secrets comme des âmes civilisées. Les miroirs, les métaux, les étoffes, l’orfèvrerie et la faïence y font pour les yeux une symphonie muette et mystérieuse ; et de toutes choses, de tous les coins, des fissures des tiroirs et des plis des étoffes s’échappe un parfum singulier, un léger parfum d’Orient qui est comme l’âme de l’appartement. — Soleils couchants qui embellissez si mélancoliquement la chambre de la femme aimée, de la sœur d’élection, quand vous coucherez-vous dans mon horizon ?

Un vrai pays de Cocagne, te dis-je, — où tout est riche, propre, et luisant, comme une belle conscience, comme une magnifique batterie de cuisine, comme une splendide orfévrerie, comme une bijouterie bariolée ; — les trésors du monde y affluent, comme dans la maison d’un homme laborieux et qui a bien mérité du monde entier.

Pays singulier, supérieur aux autres comme l’art l’est à la nature ! où celle-ci est réformée par le rêve, où elle est corrigée, embellie, refondue. — Qu’ils cherchent, qu’ils cherchent encore, qu’ils reculent sans cesse les limites de leur bonheur, ces alchimistes de l’horticulture ! Qu’ils proposent des prix de soixante mille et de cent mille florins pour qui résoudra leurs ambitieux problèmes ! Moi, j’ai trouvé ma Tulipe noire et mon Dalhia bleu. — Fleur impossible, tulipe retrouvée, allégorique dalhia, c’est là, n’est-ce pas, dans ce beau pays si calme et si rêveur, qu’il faudrait aller vivre et fleurir ? Ne serais-tu pas encadrée dans ton analogie, et pour me servir du langage de ces livres qui traînent toujours sur ma table et qui te font ouvrir de si grands yeux, n’aurais-tu pas pour miroir ta propre correspondance ?

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Des rêves ! toujours des rêves ! et plus l’âme est délicate, plus les rêves l’éloignent du possible. Chaque homme porte en lui sa dose d’opium naturel, incessamment sécrétée et renouvelée, et de la naissance à la