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Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/305

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DU SOMMEIL ET DE L’EXTASE.

miliers. C’est ainsi que sainte Thérèse compare l’éducation progressive de l’âme à un château. Six enceintes extérieures représentent les divers degrés de la prière et de la perfection morale. Dans l’enceinte centrale réside Dieu lui-même, miroir de vérité, diamant de pureté, soleil de justice. — Puis viennent les paroles : non pas des paroles physiques, colportées par l’air, perçues par l’oreille, mais des paroles intérieures, yivifiantes, qui apaisent l’anxiété de l’âme, déchirent les voiles de la vérité, et l’expriment par un symbole plus spirituel. « Ne craignez pas ces piéges de l’orgueil, dit une voix à sainte Thérèse, et méditez sans cesse l’humanité de Jésus-Christ. Cette méditation sera votre armure contre les contemplations sans objet, l’aliment de votre reconnaissance, la conseillère de vos actions. » Enfin, c’est une ivresse intérieure où disparaissent images infidèles, paroles voilées, travail de l’esprit, combats de la volonté. L’âme voit au lieu de comprendre, et s’abandonne sans résistance au courant mystérieux qui l’entraîne. Écoutons à ce sujet saint Augustin : « Il nous sembla que Dieu se révélait à nous, non plus par les merveilles de sa création et les magnificences du ciel, mais directement et sans voiles. Il ne se montrait plus à nous par des signes sensibles, mais il nous parlait lui-même une langue inconnue et d’une douceur souveraine. Il remplaçait nos pensées indécises par la claire vision de sa majesté, nos affections chancelantes par la plénitude de sa grâce. Qu’importe, s’écria ma mère, où je serai ensevelie ! Dieu saura bien, au jour du jugement, retrouver mes restes, et réunir mes os dispersés. » Combien différent de ces sereines aspirations les ravissements causés par l’orgueil ou des passions inférieures. Ici l’abattement et la honte succèdent à la saveur décevante des premiers transports ; là, au contraire, une lutte douloureuse précède des joies ineffables.

L’extase est nourrie par la méditation et l’amour. L’esprit y cherche sa nourriture non dans l’enseignement littéral ou historique, mais dans l’intuition personnelle ; non dans les circuits pénibles du raisonnement, mais dans une communication intime et profonde avec la source de toute vérité. L’amour y rompt ses vulgaires attaches, et s’y épure jusqu’au plus parfait désintéressement. Mais ici la voie devient périlleuse : l’inertie contemplative détrônera-t-elle l’action, c’est-à-dire la science et la vertu ? L’âme qui s’ouvre aux influences supérieures, comme la terre aux eaux du ciel, ne désapprendra-t-elle pas la sagesse commune, ne secouera-t-elle pas le joug le plus légitime ? Le terme le plus élevé