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LE PRÉSENT.

On s’est beaucoup arrêté, cette année, devant un pastel de M. Eugène Giraud, qui est le portrait de madame la comtesse de Castiglione. Je ne veux certes point aller contre l’admiration publique, et les belles boucles de cheveux noirs, abondantes et touffues, les fronts blancs, les lèvres roses, les yeux spirituels et grands comme la main, les mains petites, finettes et mignonnes, me verront toujours de leur côté. Cependant il faut que je fasse mon devoir de critique. Or, je me demande si ce portrait est bien vivant ? si cette chair a ces tons de nacre et d’opale de la réalité ? On croirait voir plutôt une jolie poupée qu’une jolie femme, et la faute en est bien certainement à M. Eugène Giraud. Je ne lui dirai rien de ses autres tableaux, parce que je ne veux rien lui dire de désagréable.

M. Eugène Lami est toujours le premier des aquarellistes. Il a un sens des dentelles et des perruques du grand siècle qu’on ne saurait trop louer. Il connaît son Versailles sur le bout du doigt ; il a vécu à l’Œil-de-Bœuf, et pa grande galerie des glaces n’a point eu d’hôte plus assidu que lui. Ses deux aquarelles, Louis XIV présentant son petit-fils aux ambassadeurs d’Espagne, et un Concert dans les bosquets de Versailles au XVIIe siècle, sont dignes de tout éloge. — Quand j’aurai cité M. Isidore fils, l’aquarelliste de l’artillerie, et M. Bonhommé, l’aquarelliste des manufactures et des usines, j’aurai dit à peu près tout ce qui m’a frappé dans ce genre inférieur de peinture.

M. Alexandre Riva est toujours le maître qui tient le crayon avec le plus d’élégance et de fermeté ! le Mur de Salomon, l’Appel du soir en Crimée, le Réfectoire de moines gras, le Chant du Calvaire, sont tout simplementdes chefs-d œuvre.

N’oublions pas de signaler la Charité, un carton de M. Noble. La Charité est le centre du groupe, tenant un enfant sur son sein. À droite, une jeune femme lui offre un autre petit enfant, et une jeune mère la regarde avec des yeux de reconnaissance et d’amour. À gauche, un vieillard et quelques autres personnages s’agenouillent ou tendent les mains vers la fille divine de Jésus-Christ. J’ai rarement vu de composition d’un caractère plus élevé. Le jeune artiste s’est pénétré de son sujet, et a eu un moment le cœur de saint Vincent de Paul. Malheureusement la main l’a parfois un peu trahi, et quelque sécheresse çà et là répandue étonne et fait peine dans une œuvre pleine d’aussi éclatantes promesses.

Parmi les miniaturistes, nous nommerons M. Pommayrac et Mme Herbelin, qui, comme toujours, gardent le premier rang. Je regretterai, toutefois, que Mme Herbelin, qui a eu à reproduire tant de gracieux visages, croie devoir parfois ajouter à ces grâces, mettre du blanc sur ces lis et de la pourpre sur ces roses. Elle tombe dans la manière. Je sais bien que souvent elle doit être sollicitée par ses charmants modèles à l’embellissement, et, par conséquent, à l’afféterie, mais l’artiste appartient à l’art avant tout, et ne doit songer qu’à lui. Que Mme Herbelin ferme l’oreille aux suggestions intéressées, et son talent s’en trouvera bien.