Aller au contenu

Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/365

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
357
CRITIQUE.

mands étaient appelés à concourir à l’affranchissement de la patrie, sous peine d’ètre privés de leurs États ? Et ces paroles ne sont-elles point constantes du prince de Schwartzemberg au duc de Bassano : « la politique a fait le mariage, la politique pourrait bien le défaire.» Contrairement à ces faits authentiques, M. Thiers affirme que l’Autriche était pleine de bon vouloir pour la France ; mais l’affirmation même de M. Thiers ne peut rien contre les faits. J’ouvre le manuscrit du baron Fain et j’y lis ces paroles, qui mettent à néant toutes les prétendues idées de modération de M. de Metternich et celles aussi de prétendu aveuglement de Napoléon. Le 28 juin 1813, M. de Metternich arrive à Dresde, on l’introduit auprès de l’Empereur.

« Vous venez bien tard, lui dit ce dernier, votre médiation devient presque hostile à force d’ètre inactive. Quels ont été jusqu’à présent les résultats de l’armistice ? Je n’en connais point d’autres que les traités de Reichembach. Convenez-en : vous avez voulu gagner du temps ; aujourd’hui vos deux cent mille hommes sont prêts, là, derrière le rideau des montagnes de Bohème. La grande question pour vous est de savoir si vous pourrez me rançonner sans combattre, ou s’il faudra vous jeter décidément au rang de mes ennemis. Eh bien ! voyons, traitons : que voulez-vous ? Je vous ai offert l’Illyrie pour rester neutres : cela vous suffit-il ? » — « Il ne tient qu’à vous, dit Metternich, de disposer de nos forces. Les choses en sont venues à ce point que nous ne pouvons plus rester neutres : il faut que nous soyons pour vous ou contre vous. » Il fit ses propositions, « Quoi, s’écria l’Empereur, non-seulement l’Illyrie, mais la moitié de l’Italie, le retour du pape à Rome, la Pologne, l’abandon de l’Espagne, de la Hollande, de la Confédération du Rhin, de la Suisse ! Et il nous faudrait évacuer l’Europe dont j’occupe encore la moitié ; ramener mes légions, la crosse en l’air, derrière le Rhin, les Alpes et les Pyrénées ! Et c’est quand nos drapeaux flottent encore aux bouches de la Vistule et sur les rives de l’Oder, quand mon armée triomphante est aux portes de Berlin et de Breslau, quand je suis ici à la tête de trois cent mille hommes, que l’Autriche, sans coup férir, sans même tirer l’épée, se flatte de me faire souscrire à de pareilles conditions ! Et c’est mon beau-père qui accueille un tel projet, et qui vous envoie ! » M. Thiers trouve ces conditions acceptables ; elles l’étaient sans doute, et ce que le souverain de la France repoussait alors comme une honte eût été pour d’autres temps une gloire immense et d’éclatants résultats ; mais il faut se souvenirque l’habitude de la victoire ne se dépose pas en un moment, et nouspouvons bien accorder quelques délais devant la défaite à un orgueil jusque-là triomphant. D’ailleurs, en quoi M. Thiers peut-il faire de ces délais un crime à Napoléon, puisqu’après tout il accepta les conditions définitives de M. de Metternich ? Mais sa réponse n’arriva au Congrès que le 11 août ; les négociateurs s’étaient séparés depuis quelques heures ; l’Autriche ne voulut pas faire l’aumône de ces quelques heures à Napoléon qui