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CRITIQUE.

Thibaut, moine comme Hélinand, avec Hélinand lui-même ; tous deux, du reste, se sont croisés dans la dernière moitié du XIIe siècle. Voici ce que M. Ampère dit du poëme ; nous rapportons ses propres paroles que nous avons recueillies dans son cours du Collége de France : « Le caractère lugubre de cette poésie se manifeste par l’alternative de vers latins rimés jetés entre les strophes françaises ; il semble, à leur lecture, entendre quelques accents du Dies irœ. Le poëme, de quarante-neuf stances, qui ont chacune douze vers, roule sur l’idée de la mort diversifiée par des métaphores, dont quelques-unes hardies et bizarres. Un passage rappelle Horace et fait pressentir Malherbe. On est surpris de l’impulsion satirique qui a entraîné l’auteur, non-seulementà la censure de certains travers, mais, de plus, à des attaques énergiques contre Rome. »

M. Ampère aura probablement eu entre les mains l’édition sortie des presses de M. Crapelet et imprimée sur un manuscrit de la Bibliothèque impériale, portant également pour nom d’auteur des vers sur la mort, Thibaut de Marly. — M. Viollet-Leduc cite aussi cette édition dans le catalogue de sa Bibliothèque poétique, publié dernièrement. « Les vers sur la mort, dit-il, ne sont attribués à Thibaut que sur l’assurance de Jacques Briton, moine de Saint-Victor, qui l’écrivit pour ses frères dans le xie siècle de la fondation de son couvent, c’est-à-dire de 1212 à 1213. On sait que Hélinand, poëte de la fin du XIIe siècle, avait composé un poëmc sur la mort, que le président Fauchet procura à Loisel, et que celui-ci publia en 1594. Or, cette pièce est la même que celle-ci, moins complète et incorrecte. Il est vrai que Fauchet n’affirme pas que les vers remis à Loisel soient réellement les vers d’Hélinand. »

C’est ici qu’il importe de restituer à Hélinand les vers sur la mort, dont il est l’unique et véritable auteur.

Le témoignage irrécusable de Vincent de Beauvais, son voisin et contemporain, a été omis par tous les critiques qui se sont occupés d’Hélinand ; il est le plus important. Il affirme l’existence du poëme sur la mort, voire même d’une Chronique, et il en loue la facture tout en l’expliquant.

Une autre preuve incontestable est cette 131e strophe adressée à son ami Philippe de Dreux, évêque de Beauvais ; elle nous est transmise par Loisel :


Mors va à Beauves, tot courant,
À l’evesque qui m’aime tant
Et qui tousiours m’a tenu cher :
Dy-lui qu’il a ses contremant
Un jour à toi et ne sçait quant


Celui qui a écrit ces lignes a envoyé ces deux preuves à M. Viollet-Leduc, qui les a jugées de la plus haute importance dans la question. Elles devront, selon lui, modifier profondément les jugements portés sur l’auteur du poëme de la Mort.