Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/434

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
426
LE PRÉSENT.

joyeux, cet hiverl la semaine sera bonne aussi. Le soleil a doré la moisson comme les vignes ; les épis sont lourds, le pain va baisser ! C’est encore la meilleure nouvelle que j’ai donnée. Quelques gouttes d’encre sur un carré de papier blanc, la belle affaire ! Mais dans un verre une goutte de vin,


Flot d’or, mêlé de feu, de sang et de soleil !


C’est là, la poésie, la santé et la joie ! L’entendez-vous, le vin nouveau, chanter la chanson grave et sainte de Baudelaire. Le voyez-vous qui coule au menton rose de Musette ? Il fera bon vivre cette année !

Elles n’y songent pas dans leur château, les grandes dames ! Cette pluie que nous bénissons les rend un peu maussades et bien tristes. Que faire dans un salon, sans un poëte pour murmurer des vers, sans un journaliste pour aiguiser des épigrammes, sans un livre nouveau ! On va se fâcher contre tout le monde, taquiner son mari, gronder sa femme de chambre, chasser sa levrette, prendre son ouvrage, et l’on ne fera pas une fleur, on laissera sa broderie pour regarder dans la campagne, où tout est triste, les oiseaux, les roses et les arbres, tout excepté les champs et les vignes Les blés rient dans leur barbe et la vigne éclate de joie. Si vous aviez, au moins, pour vous consoler dans la solitude, les œuvres de ce poëte que vous aimez tant, Madame, dont le vers brille comme un rayon de soleil. Théodore de Banville, la sœur de lait de Philoxène ! Le livre n’est pas encore arrivé au château ; vous le lirez à votre retour. En attendant, voulez-vous que je cherche pour vous, dans l’écrin que je vous envoie, une perle ? Je détache cette émeraude. Est-elle assez fine et brillante ?


Ses yeux sont transparents comme l’eau du Jourdain ;
Elle a de lourds colliers et des pendants d’oreilles ;
Elle est plus douce à voir que le raisin des treilles,
Et la rose des bois a peur de son dédain.

Elle rit et folâtre avec un air badin,
Laissant de sa jeunesse éclater les merveilles,
Sa lèvre est écarlate et ses dents sont pareilles
Pour la blancheur aux lys orgueilleux du jardin.

Voyez-la, voyez-la venir, la jeune reine !
Un petit page noir tient sa robe, qui traîne
En flots voluptueux, le long du corridor.

Sur ses doigts le rubis, le saphir, l’améthyste
Font resplendir leurs feux charmants ; dans rn plat d’or
Elle porte le chef sanglant de Jean-Baptiste.