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Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/461

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LE SPHYNX.

devenait plus vive, qu’un feu extraordinaire brillait dans ses grands yeux sauvages, et qu’elle avait frémi de la tête aux pieds. La curiosité du jeune homme ne put pas se déguiser plus longtemps. — C’était dans la ravine de la chênaie ? demanda-t-il.

— Oh ! répliqua-t-elle vivement, je n’ai plus le courage de lui en vouloir de s’être trouvé là.

Georges ne se hâtait point de reprendre la parole. — Enfin, monsieur, s’écria-t-elle, est-il sauvé ?

Le jeune homme, en la voyant si naturellement et si gracieusement émue, sentit au fond de son cœur un mouvement singulier de dépit, et, sans réfléchir beaucoup, ilrépondit précisémentàlajeune femme comme il avait répondu, trois jours auparavant, à sa sœur : — Arsène guérira ; peut-être sera-t-il moins beau… pendant quelque temps.

— Nous ne savions pas qu’il fût beau, dit sévèrement la vieille dame.

— Mon Dieu, reprit Julie qui mentait, c’est à peine si je pourrais le reconnaître ; je ne l’ai point regardé, je ne voyais que sa blessure, et je me souviens seulement d’avoir eu peur. Monsieur, j’ai pris votre ami par la main sans savoir ce que je faisais, et je l’entraînais en courant vers le château de M. de la Tour, lorsque nous avons rencontré M. Moreau, mon beau-frère. Alors je lui ai confié le blessé, et je suis revenue plus tranquille à la maison. Voilà, monsieur, toute mon histoire. Monsieur… Arsène, dites-vous ?…

— Arsène Onfray, madame.

— Qu’il se guérisse promptement, mon Dieu ! murmura-t-elle ; il a risqué sa vie pour défendre la mienne. Pourtant il a mal fait, ajouta-t-elle avec un sourire plein de tristesse ; oui, il a mal fait, car je ne tiens pas à vivre.

Cette plainte discrète lui avait échappé ; mais ce fut tout. La vieille dame se rapprocha de sa fille et passa son bras sous le sien. Georges comprit à regret qu’il fallait prendre congé ; son émotion croissait et il balbutiait à son tour.

— La maladie de mon ami sera peut-être longue, dit-il, et… puisque votre cœur est assez bon… pour s’intéresser à lui.

— Revenez, si vous l’osez, fit rapidement Julie. — La grand’mère, au lieu de le saluer, lui tendit la main.

Étranges réflexions que celles que fit Georges tout en retournant à