Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/465

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LETTRES
DU
MARÉCHAL SAINT-ARNAUD

Je n’oublierai point dans cette étude que la politique m’est interdite et que je n’ai le droit d’agiter aucun drapeau. Je ne veux voir dans le maréchal de Saint-Arnaud que l’homme et le soldat. Je mesurerai toutefois la hauteur de mon éloge à l’infamie des accusations qui ont poursuivi sa vie, sans la troubler ou la ternir, et ne se sont point tues même devant le cercueil et la victoire qui nous le ramenaient mort et triomphant. Beaucoup d’hommes de mon temps, je le sais, l’esprit envahi par des idées que je ne combattrai point ici, s’ils lisent ces lignes, les liront avec dépit et colère ; quand je suivrai mon héros en Afrique ou en Crimée, et que je ne lui dénierai point l’honneur de ses actions, ils songeront à d’autres luttes et m’accuseronten leur âme. Que m’importe ? je ne serais pas digne de louer le maréchal et sa vaillante épée, si une telle crainte faisait trembler ma plume dans ma main. Que ces hommes d’ailleurs se souviennent que, quand Périclès prononça l’éloge des guerriers morts pour la patrie, il ne se demanda point si, parmi ces ombres chères, il n’y en avait pas qui eussent voté contre lui à l’Agora et partagé les erreurs de Cléon ; il les enveloppa toutes dans la même éloquence, et de la même mort fit une même couronne à ces vies différentes. Athènes entière pleura et applaudit.

La jeunesse du Maréchal fut orageuse, quelques-uns ont dit coupable. J’ai lu autrefois des pamphlets qui descendaient dans ces années