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Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/483

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FURETIÈRE ET L’ACADÉMIE FRANÇAISE.

dans une forme pure, correcte, soutenue, littéraire en un mot, qui sent constamment l’homme lettré et l’homme de bonne compagnie. On sent avant tout, malgré la véhémence de sa critique, malgré les allusions, les médisances, les personnalités, l’effort d’un homme convaincu de son bon droit et qui cherche à en convaincre les autres. Dans les factums de Furetière, la langue du pamphlet est créée, fixée, non moins que la langue oratoire dans Bossuet. Assurément Furetière est moins éloigné de Courrier et de Beaumarchais que de Scaliger et de Saumaise.

II

Antoine Furetière était né à Paris de la veuve d’un apothicaire, mariée en secondes noces à un clerc de conseiller. Peu importe que ce second mari fût, selon le dire suspect de Charpentier, un ancien laquais, mais je retiens ces deux qualités d’apothicaire et de clerc, qui, l’une et l’autre, apparentent Furetière à cette petite bourgoisie, à ce petit monde du négoce et de la chicane, dont il devait être le peintre si minutieux et si énergique. Une courte notice, insérée dans la préface de l’édition posthume du dictionnaire, atteste qu’il fit ses études avec succès tant dans le droit civil que dans le droit canonique. Après s’ètre fait recevoir avocat au Parlement, il acquit la charge de procureur fiscal de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Il passa ensuite dans l’état ecclésiastique, et fut pourvu de l’abbaye de Chalivoy, dans le diocèse de Bourges, et du prieuré de Chuines. Il n’est pas inutile de remarquer ici que, bien qu’ayant pris les ordres, Furetière n’exerça jamais le ministère sacerdotal. Il fit ce que faisaient de son temps beaucoup de gens de lettres et d’érudits à qui les bénéfices étaient nécessaires pour vivre : il prit l’habit. Cette remarque a son importance en face des insinuations de Charpentier, qui ajoute la qualification de mauvaisprêtre à toutes celles dont il qualifie son adversaire. Rien du reste, dans la vie de Furetière ni dans ses œuvres, ne s’écarte des sentiments de respect et de piété, non-seulement d’un bon chrétien, mais d’un bon ecclésiastique. Le fait est notable, si l’on songe au tempérament violent de l’homme et à la nature de quelques-uns de ses écrits.

On ne sait où ni à quelle date commencèrent ses liaisons avec les grands écrivains dont il resta l’ami. Peut-être serait-il possible de les faire remonter jusqu’au temps de ses études classiques. Peut-être étudia-t-il à Port-Royal avec Racine ou au collége de Clermont avec Molière et Chapelle. Quoi qu’il en soit, ses amitiés avec Boileau et Racine, attestées par leur correspondance, par les mémoires de Racine le fils et par les anecdotes de Ménage, doivent remonter assez haut. Elles étaient dans leur plein vers 1660, et Furetière dut incontestablement faire partie, avec Chapelle, Molière et La Fontaine, de ce petit cercle de la rue du