appel à la lumière qui se répète sans cesse à travers les factums, les placets, les lettres, est assurément le cri de la conscience, de la conscience d’un homme sûr de lui-même, et qui sait ce qu’il vaut.
Il est certain que si Furetière eût pu obtenir cette épreuve qu’il demandait ; s’il eût pu contraindre ses anciens collégues à montrer leur travail à côté du sien, il eût gagné son procès devant l’opinion, comme il l’a gagné devant la postérité. Le Dictionnaire de l’Académie, ce livre auquel Patru ne voulait plus travailler, ce livre moqué par Ménage et que Racine tremblait de voir paraître, n’aurait pas soutenu la comparaison.
Il suffit, pour s’en convaincre, de remarquer les fautes grossières que Furetière relève dans les premières feuilles, dont quelques-unesfurent corrigées, il est vrai, mais dont un bon nombre subsiste dans la première et même dans la seconde édition.
Aussi, quelle éloquence, quelle verve toutes les fois qu’il en revient à ce malencontreux Dictionnaire, interminable et invisible, à ce beau ténébreux, comme il l’appelle ! Quelle adondance de sel et d’ironie ! Quelle excellente satire dans le récit de ces séances mémorables, où Racine retient par son habit le Président de l’Académie française, s’en allant acheter sur le quai une estampe de marine, au bas de laquelle se trouvait la définition du mot màt ! Où Tallemant le jeune, maître breveté pour les inscriptions et les devises, établit scientifiquementque la terre environne l’Océan et que l’éclipsé de la lune ne se fait pas par l’ombre de la terre ! de celle encore, où la définition de l’oreille « organe de l’ouïe » coûte deux cents francs au roi !
Quelle amusante hypocrisiedans ces réponses, que Furetière (3e factum) adresse à ses confrères : Si j’avais accusé M. Doujat de briser les images… etc., et où il glorifie la naissance de Quinault, fils d’un boulanger, mais d’un boulanger de petit pain ! — « puisqu’il y a eu des boulangers de petit pain qui sont devenus illustres ; témoin ce Jean-Pain-Mollet, qui a donné son nom à une des rues de Paris, et qui a eu cela de commun avec M. de Guénégaud et messieurs les cardinaux Mazarin et de Richelieu ! »
À ce ton, à cette assurance, il est impossible de douter que Furetière n’eût déjà le public pour lui. Il l’avait en effet, nous en avons pour preuve un témoignage plus probatif que celui de Ménage et des Nouvelles de la République des Lettres, le témoignage de son ennemi le plus acharné, de Charpentier lui-même, qui, déplorant dans ses Anas le peu de zèle que ses confrères de l’Académie avaient mis à travailler au Dictionnaire, ajoute que si chacun d’eux en eût fait autant que lui, Furetière n’aurait pas eu le public de son côté.
Remarquons que l’Académie, qui contrairement à l’affirmation hypocrite d’Olivet, répondit tout autrement que par le silence aux attaques personnelles de Furetière, qui fit au contraire circuler et crier jusque sous les fenêtres de son anta-
