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CHRONIQUE

deux à qui l’on donne les premières médailles. Son nom fait du bruit. Le banquier, dans la propriété de je ne sais où, la vallée de Chevreuse, je crois, fait voir à ses invités une statue qu’il a depuis quinze ans. Il est très-bien avec l’auteur, et même, dit-il, je l’inviterai un de ces dimanches. Notre sculpteur arrive, en effet. On le mène discrètement dans un coin du parc. Il reconnaît sa statue et goûte la joie douce qu’on éprouve à revoir une œuvre de jeunesse. On lui fait, du reste, mille compliments. Il a un bien grand et bien juste succès ! Ses œuvres seront payées au poids de l’or ! Le gouvernement n’a-t-il pas déjà acheté sa statue seize billets de mille francs ? Continuez, Monsieur, dit le banquier, et vous irez loin. Surtout, faites-vous bien payer, c’est le seul moyen d’avoir plus de commandes et plus d’argent. Je le ferai, Monsieur, dit le sculpteur qui voit déjà sa statue d’il y a quinze ans achetée un million. Et maintenant, Monsieur, fait le banquier, quand vous voudrez nous faire le plaisir de déjeuner avec nous, de manger en l’air une aile de poulet, vous serez toujours le bienvenu Il l’accompagnajusqu’à la porte ; et voilà l’histoire.

Que pensez-vous de ce banquier ? Et croyez-vous qu’on ne ferait pas bien d’envoyer chez ce riche personnage un huissier pour demander l’argent, ou un commissionnaire pour emporter la statue ?

L’Académie des beaux-arts de l’Institut a jugé, dans sa séance du 12 septembre, le concours des grands prix de paysage. Les prix obtenus sont : 1er grand prix. M. Jules Didier, de Paris, âgé de vingt-six ans, élève de M. Coignet ; 2e grand prix, M. Charles Olivier de Penne, de Paris, âgé de vingt-six ans, élève de M. Coignet. L’exposition publique du concours des grands prix d’architecture aura lieu à l’École des beaux-arts les mercredi 16, jeudi 17 et vendredi 18 septembre, de dix heures du matin à quatre heures du soir. Je ne sais quelle sera la valeur des œuvres nouvelles ; ce que je sais bien, comme tout le monde, c’est que les expositions sont toutes d’une déplorable faiblesse, et ce n’est vraiment pas la peine d’en parler.

Plus haut, sur cette rive de la Seine, dans la salle immense de l’Odéon, il y a eu fête l’autre jour. On a donné la pièce de Schiller, traduite en vers par M. Bravard. La salle était pleine, le public écoutait avec complaisance, et le vieux Schiller eût été content, s’il avait pu, rendu pour une minute à la vie, voir là toute cette jeunesse de France, impatiente, disposée à l’enthousiasme, faisant si bien à son génie les honneurs de l’hospitalité. L’interprète qui l’amenait sur la scène et le présentait au public n’était pas, hélas ! digne de sa mission, et tout en accordant de justes éloges au courage de M. Bravard, nous croyons qu’il pouvait se tirer plus heureusement de cette tâche difficile.

Au Cirque aussi on donnait une pièce étrangère. Le Roi Lear, du grand Shakspeare. Ici encore on a gâté les beautés du poëte anglais, et le rideau s’est abaissé au milieu des rires et des épigrammes. Rouvière seul a obtenu grâce de-