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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/144

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LE PRÉSENT.

que la vieillesse doit détruire ! Malheur à la santé que minent les maladies sans nombre ! Malheur à la vie que la mort tranche en si peu de temps ! Ah ! s’il n’y avait ni vieillesse, ni maladie, ni mort ! Si la vieillesse, la maladie, la mort, étaient pour toujours enchaînées ! » Puis, sa pensée intime se faisant jour pour la première fois, il ajouta : « Retournons en arrière ; je vais rêver à la délivrance ! » Siddhartha venait d’entrevoir le Nirvâna. Peu de temps après, abandonnant rang, puissance, affection, il se retira dans la solitude et commença sa carrière de missionnaire prêcheur, qu’il poursuivit jusqu’à sa mort, arrivée soixante ans plus tard (543 av. J. C.).

Sa doctrine, qui, de son vivant du moins, paraît avoir été plus morale que métaphysique, et qu’il imposait à ses auditeurs comme bouddha (c’est-à-dire comme être inspiré, éclairé), reposait, a dit Burnouf, « sur une opinion admise comme un fait, et sur une espérance présentée comme une certitude. »

Cette opinion, c’est que le monde visible est un perpétuel changement ; que la mort succède à la vie et la vie à la mort ; que l’homme, ainsi que tout ce qui l’environne, roule dans le cercle éternel de la transmigration ; qu’il passe successivement par toutes les formes de la vie, depuis les plus élémentaires jusqu’aux plus parfaites ; que la place qu’il occupe dans la vaste échelle des êtres vivants dépend du mérite des actions qu’il accomplit en ce monde, et qu’ainsi l’homme vertueux doit, après cette vie, renaître avec un corps divin, et le coupable avec un corps de damné ; que les récompenses du ciel et les punitions de l’enfer, n’ont qu’une durée limitée, comme tout ce qui est dans le monde ; que le temps épuise le mérite des actions vertueuses, tout de même qu’il efface la faute des mauvaises, et que la loi fatale du changement ramène sur la terre et le Dieu et le damné, pour les mettre de nouveau l’un et l’autre à l’épreuve et leur faire parcourir une suite nouvelle de transformations. L’espérance que Çakia-Mouni apportait à l’humanité, c’était la possibilité pour tous les hommes, quelles que fussent leurs castes et leurs naissances, d’échapper à la loi de la transmigration et de mériter, par une vie d’austérités, de sacrifices et de dévouement, d’entrer dans ce qu’il appelle le nirvâna, c’est-à-dire l’anéantissement de toute personnalité et de tout souvenir.

Pour oser ainsi offrir le néant à des millions d’hommes comme récompense d’une vie de devoirs et de vertus, il fallait avoir bien souffert