ait pu être proposée aux hommes comme une délivrance, comme le salut, et être acceptée comme tel.
Çakia-Mouni, ainsi qu’on peut s’en apercevoir, n’attaquait pas ouvertement le système des castes, mais en appelant tous les hommes, sans distinction de rang et de naissance, à ses prédications, à la vie ascétique, au salut enfin, il sapait par la base le système lui-même ; il prêchait l’égalité des devoirs, l’égalité devant la fin suprême ; en admettant la femme dans la vie religieuse, il l’émancipait ; bien plus, en annonçant sa loi, sa bonne parole aux nations étrangères, il effaçait les distinctions d’origines entre les Arians et les barbares (Mlétchas), il abaissait les barrières qui séparaient les peuples. Les brahmanes, par conséquent, ne pouvaient manquer d’en élever entre eux et lui, entre ses doctrines et les populations de l’Inde. Leurs efforts furent vains ; les populations coururent au-devant du novateur et de ses apôtres. La mort du bouddha ne fit que multiplier ceux-ci, car tout religieux ayant rasé ses cheveux et sa barbe, ayant renoncé à sa caste en taillant de ses propres mains son vêtement dans un linceul enlevé à un cadavre et ayant confessé ses péchés à un autre religieux déjà revêtu de l’investiture, pouvait aller prêcher la loi nouvelle et remplaçait le brahmane, et comme théologien et comme prêtre.
Peu d’années après la mort de Çakia-Mouni, ses disciples instituèrent l’usage d’assemblées périodiques, véritables conciles chargés deyeiller à la conservation de la doctrine dans toute sa pureté. Deux siècles à peine s’écoulent et l’on voit un roi de Magadha, monarque puissant, se faire propagateur de la foi bouddhique et persécuter les brahmanes. C’est ce Piyadasi-Asoka dont nous avons cité les édits, curieux témoignages de la décadence du brahmanisme. En effet, pendant qu’un roi, un Kchattrya, prêche la morale à ses sujets, leur ordonne de se confesser tous les cinq ans, que fait la caste orgueilleuse qui s’était réservé le monopole des choses sacrées et l’interprétation des livres saints ? elle est réduite au silence. Malheureusement l’histoire se tait avec elle sur ces mille ans où les deux sacerdoces, les deux cultes rivaux vécurent parallèlement et pour ainsi dire à côté l’un de l’autre. Aucun écrivain grec ou arabe ne fournit des détails un peu développés sur les dogmes respectifs et le siège de ces deux grandes sectes. Un passage de Megasthènes, cité par Strabon, est peut-être ce que nous possédons de plus explicite sur la première période de cette rivalité.