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Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/152

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LE PRÉSENT.

danger menaçait, non-seulement leurs riches possessions, mais encore les intérêts sacrés de leur religion et de leur conscience. Tous les rajahs des cinq fleuves, Rajpoutes d’origine et non encore dégénérés comme les vieux Kchattryas de l’Indoustan proprement dit, joignirent leurs contingents à l’armée d’Anong-Pal, et même les tribus sauvages des marches du Sud et du Nord, habituées à errer librement dans les plaines désertes ou dans les gorges des montagnes, vinrent recruter les rangs des défenseurs de l’Inde. Vains efforts d’une cause sans drapeau politique et sans ciment national ! Mahmoud triompha dans toutes les rencontres des guérillas des tribus sauvages et des troupes disciplinées des Rajpoutes confédérés. La poursuite de leurs débris dispersés l’amena devant le temple de Nagarcot, dont les murs renfermaient, dit-on, plus de richesses qu’aucun autre point du globe n’en avait encore réuni dans une même enceinte. Situé dans les montagnes, fortifié par la nature et l’art, ce temple était comme un lieu d’asile inexpugnable et respecté, où tous les rois du voisinage déposaient, en temps de trouble et de guerre, leurs trésors sous la garde des prêtres du sanctuaire.

Lorsque Mahmoud parut devant Nagarcot, ses murailles étaient sans défenseurs, la garnison, par suite d’une erreur ou d’une trahison, ayant été employée ailleurs, et les brahmanes du temple s’empressèrent d’acheter la clémence du sultan au prix de leur honneur et du dépôt qui leur était confié. Mahmoud n’eut garde de refuser le marché, laissa la vie aux prêtres, prit possession du temple, brisa les idoles et enleva les immenses richesses qu’il contenait. L’énumération de ces richesses, telle que l’ont faite les vainqueurs, trouverait mieux sa place dans le recueil des Mille et une Nuits que dans une sobre page d’histoire : des masses d’or et d’argent pur en lingots ou travaillées en vaisselle et en chefs-d’œuvre d’orfèvrerie, garnis ou remplis de diamants, de perles, de rubis et d’autres pierres précieuses, forment un ensemble qui éblouit l’imagination. Quand Mahmoud rentra dans Ghusni, traînant en triomphe ce féerique butin, il l’étala pendant trois jours sur des tables d’or aux regards émerveillés de ses sujets, et pendant trois jours, assis avec toute sa cour sur des trônes d’or et d’argent massifs, il présida à des distributions publiques auxquelles prirent part les pauvres d’abord, puis toutes les personnes que leur rang, leurs talents ou leur sainteté recommandaient à la faveur du monarque.